27 septembre 2005
Le NAIRU dans les textes...
Ouais mais depuis, l'économie s'est modifiée, la FINANCE comme sphère quasi autonome est devenue prépondérante, et afin de rétablir des profits qui commençaient à s'éroder sérieusement au début des années 70, le capitalisme a été contraint de modifier les règles du jeu. La vogue du NAIRU dans les cercles économistes influents, et sa récupération dogmatique par les milieux des affaires et de la finance qui y ont vite compris leur intérêt, en retrace bien les enjeux.
Pour revenir aux chiffres des NAIRUs européens, ils n'ont amorcé une lente stabilisation et une légère baisse que depuis quelques années, sous l'impact quasi mécanique des politiques dites de "réformes des marchés du travail", menées par les gouvernements à orientations libérales qu'ils soient de droite ou de gauche d'ailleurs: Aznar en Espagne, Berlusconi en Italie, Schroeder en Allemagne. Au tour de la France désormais.
Car ceci est une caractéristique TROUBLANTE des comparaisons que l'on peut faire entre les taux de chômage mesurés et les NAIRUs calculés: les taux de chômage obtenus dans la vraie vie ont été historiquement, depuis 25 ans, quasiment toujours supérieurs aux NAIRUs sortis des modèles des doctes économistes conseillant nos princes!
"les périodes où le chômage effectif est passé au-dessous du seuil de l'estimation du NAIRU sont malheureusement trop rares et trop courtes pour en tirer des conclusions" (SIC!)
22 septembre 2005

Bon, on va entrer de nouveau dans le vif...
Le NAIRU à la "Une"...
21 septembre 2005
Le débat se poursuit aussi ici...
20 septembre 2005
Instant de détente...
19 septembre 2005
Compte tenu de la tournure des évènements...
Les surprises du NAIRU
18 septembre 2005
Là bas si j'y suis...
16 septembre 2005
PETIT RESUME DES PREMIERS EPISODES...
- Malgré les incantations, les déclarations et les "plans" de tous les gouvernements successifs depuis trente ans, et bien qu'ils aient tous contribué d'une manière ou d'une autre à "arranger" les chiffres du nombre de chômeurs pour être présentables au moment des élections importantes, le chômage s'est accru et reste massif.
- A cela s'est ajouté en outre un vaste HALO autour du chômage pur et dur. Ce halo est constitué de formes d'emploi atypique qui ont pourtant été présentées comme des sacrifices nécessaires pour guérir le mal. Leur point commun: la flexibilité, l'employabilité, la précarité et l'insécurité économique qui en découle. Le tout engendrant de nouveau de la crainte, de l'angoisse, de la peur.
- On a découvert (disons scientifiquement) en 1958 (Phillips) que le chômage faisait en général pression sur les salariés, ce qui calmait leur revendications salariales...
- En 1968, Milton Friedman dit: il y a un "taux de chômage naturel" dans chaque société. Chercher à aller en dessous ne sert à rien, si ce n'est à créer de l'inflation".
- Papademos et Modigliani disent en 1975: "ce n'est pas tout à fait exact: si on est bien au dessus d'un truc qu'ils appellent NAIRU, "Taux de chômage minimum qui n'accélère pas l'inflation", faire baisser le chômage ne réveillera pas le Démon des financiers, l'inflation. Mais si on baisse et s'en rapproche trop (mais là, c'est flou, où est le "cobra", difficile question), alors ce Démon de l'inflation pourrait se réveiller et se repaître des profits financiers.
- Plein de gens, des économistes, se mettent à calculer où pourrait se trouver le cobra, le fameux NAIRU.
- ILS se rendent compte cependant que leurs calculs sont très incertains, que ça ne colle pas bien avec la réalité, que leurs hypothèses sont un peu bancales...
- Pourtant, et manifestement parce qu'on leur demande (peu sont bénévoles), ils continuent (et particulièrement ces dernières années) à fournir des éléments qui deviennent des prévisions et des préconisations pour les politiques à mener.
Voilà qui est bien étrange...
Alors...
... on peut penser que si un concept aussi douteux continue malgré tout à être utilisé (Guillaume de Baskerville vous en fournira des preuves...), c'est qu'il à de bonnes raisons de l'être! Car deux choses sont intéressantes dans le NAIRU:
- la pression exercée sur les fidèles (les salariés) intéresse ceux qui veulent une main d'oeuvre peu chère et "docile". En économie, ce sont les "producteurs", ou les "employeurs". Peu importe quelle pression est exercée, mais pour l'instant, le chômage fait bien l'affaire. On teste déjà de nouvelles formes de précarité plus diffuses et moins visibles comme le nez au milieu de la figure au moment des élections, des sondages ou des référendums, mais la France est "en retard" sur ces nouvelles techniques (un certain archaïsme paraît-il...). Concernant le chômage, et même si au fond il est donc bien utile, il faut qu'il soit ressenti comme menaçant, angoissant, bien présent à l'esprit de ceux qui ont "pêché " et croisé le Diable (les chômeurs), mais aussi, et je dirais SURTOUT, à l'esprit de ceux qui n'ont PAS encore croisé le Diable. La messe du JT de 20 heures (exemple non exhaustif) peut efficacement y pourvoir. Surtout quand on y montre en boucle les malheurs de ceux qui ont vu le Diable... Et qui veulent se "repentir", bien sûr. Repentir, en nouveau français, ça se dit "rebondir".
- la priorité donnée à la lutte contre la soi-disant inflation (j'y reviendrai bien plus tard). Car là pas de doute, le Démon de l'inflation est bien réel pour la sphère financière et ceux qui accumulent beaucoup d'argent. On peut bien sûr y retrouver nos "producteurs", mais il y a aussi une autre catégorie très (et de plus en plus) influente qui s'appelle "les spéculateurs"...
Histoire de répondre par anticipation à toute critique du genre "encore une nouvelle version de la théorie du complot", je dirais simplement que dans le monde réel (l'allusion au cinéma et au film Le Nom de le Rose n'est qu'une manière originale de passer un message par une analogie qui me semble assez éclairante d'un mécanisme de contrôle social ayant déjà montré son efficacité dans l'histoire), il est vrai que les choses ne sont jamais aussi simples que la division du monde entre les "gentils" et les "méchants"! La division binaire (le Bien et le Mal par exemple), bien que très opérationnelle encore de nos jours (l'Axe du Mal par exemple, ou... le chômeur et le non-chômeur, celui qui bosse ou celui qui bulle, celui qui crée de la richesse et celui qui serait assisté, le productif et l'improductif et j'en passe), tient souvent de la manipulation et de la mystification. Car la réalité est bien plus complexe. Le vrai noir et le vrai blanc sont rares, mais le gris est multiple. Ce Blog essaie de montrer en poussant un peu le contraste ce qui apparaît incompréhensible à bon nombre de citoyens auourd'hui. Et concernant le NAIRU, je crois qu'il y a derrière cette histoire une combinaison d'éléments qui font advenir les choses telles que nous les constatons. Une part d'intérêts bien compris dans des "milieux influents", détenant un certain pouvoir, une part d'aveuglement et de routine chez de nombreuses personnes qui appliquent parce qu'ils y croient ou parce que c'est ce qu'on leur demande, ou encore parce que c'est juste leur "métier", et une grande part d'ignorance et d'incompréhension chez une majorité de gens qui n'ont que les moyens de subir, tant bien que mal.
La citation suivante s'applique merveilleusement au NAIRU, au chômage et à l'économie moderne:
"Le monde se divise en trois catégories de gens: un très petit nombre qui fait se produire les événements, un groupe un peu plus important qui veille à leur exécution et les regarde s'accomplir, et enfin une vaste majorité qui ne sait jamais ce qui s'est produit en réalité."
Nicholas Murray Butler, Membre du Council on Foreign Relations, organisation américaine qui rassemble des leaders politiques ou économiques de haut niveau (comme Georges Bush père, Henry Kissinger, ou David Rockefeller).
15 septembre 2005
Bon, tout ou presque y est...
Petite phrase du jour, pour méditer avant de mieux comprendre!
14 septembre 2005
Message à tous les visiteurs
13 septembre 2005
- mardi 13 septembre 2005, 10h09: Dans le Perche, un cyclomoteur prêté aux personnes en recherche d'emploi ALENCON (AP) - Le Syndicat intercommunal de développement du territoire du Perche ornais (SIDTP) vient de mettre en place une idée originale qui consiste à prêter un cyclomoteur aux personnes en recherche d'emploi ou de formation. L'idée lancée en juin dernier a déjà permis à 26 personnes de bénéficier de ce service gratuit. "Seule une caution de 60 euros est demandée pour ce prêt", précise Christelle Jacquin la coordinatrice de l'opération. Une opération mise en place pour pallier les problèmes de mobilité dans le Perche, un Pays qui comporte 111 communes en milieu rural. "Il y a souvent plus de vingt kilomètres entre chaque commune donc de gros problèmes de transport pour ces gens-là". Ce prêt est obtenu après l'accord de l'ANPE ou des organismes de formation et d'insertion "mais il ne peut en aucun cas dépasser deux mois, histoired e faire comprendre aux bénéficiaires qu'il s'agit d'une mesure temporaire pour les aider à bien démarrer", conclut Christelle Jacquin. AP
"There's also a saying from oil-rich Saudi Arabia that goes: My father rode a camel. I drive a car. My son flies a jet airplane. His son will ride a camel."
10 septembre 2005
La courbe de Phillips, que tous les étudiants en économie ont à leur programme, et pour cause, aurait donc une forme proche de celle du graphique de la Figure 1 ci-dessous (voir plus bas)
En outre, et hormis la corrélation inverse entre hausses salariales et taux de chômage, l’ampleur de ces augmentations de salaires serait dépendante de la zone de chômage dans laquelle on se trouverait : modérée si le chômage est suffisamment élevé, et beaucoup plus sévère à des niveaux plus bas.
Il est à noter, et ceci est important pour bien comprendre la suite de l’histoire, qu’il s’agissait là de travaux de recherche basés sur des séries de données réelles du passé, ayant pour but de comprendre les mécanismes en jeu. On peut parler de recherche descriptive ou encore "positive": on se base sur une réalité des faits observés pour comprendre un mécanisme. On peut encore parler de démarche scientifique stricte. La suite prendra, on le verra, une toute autre tournure...
Répétons encore une fois que les résultats obtenus par Phillips n’ont en soi rien de surprenant. Ils apportent un caractère scientifique à une présomption qui tenait plus de la lapalissade ou de la réinvention du fil à couper le beurre que de la découverte en rupture avec les idées établies. Une pression sur le marché du travail (s'exerçant sur les salariés) est susceptible de modérer les coûts salariaux, voilà qui est logique; que le chômage exerce une telle pression, intuitivement, cela se conçoit également!
Et pourtant, ces conclusions de Phillips vont avoir un impact fort et durable sur les idées des économistes des décennies qui vont suivre quant à la relation entre chômage et inflation, hautement stratégique pour la conduite des affaires il est vrai. Car la mise en équation de la chose favorise une prise de recul par rapport au sujet et permet de commencer à envisager le taux de chômage non plus uniquement comme un résultat imprévisible et fluctuant brutalement (comme par exemple pendant la Grande Crise de 1929), mais aussi éventuellement comme une donnée d'entrée exploitable en sens inverse si la priorité devient la lutte contre "l'inflation" ou la maîtrise des coûts salariaux. Les travaux de l'économiste amorcent une mutation des idées de certains: le chômage, de problème, est susceptible de se transmuter en outil. L'ancienne alchimie avait failli dans sa quête, une nouvelle alchimie économystique allait-elle parvenir à tranformer le plomb du chômage en ... argent?
Finalement, ce sont deux économistes réputés keynésiens, Franco Modigliani et Lucas Papademos, qui introduisirent le fameux NAIRU, en 1975, qui coupe un peu la poire en deux et cherche à créer un consensus (indispensable, en économie comme ailleurs pour devenir sinon aimé de tous ses pairs, du moins détesté d’aucun !).
- une zone verte où les gouvernements pourraient agir pour réduire le chômage,
- une zone rouge où ce serait suicidaire en terme d’inflation,
- et une zone intermédiaire orange autour du taux de chômage naturel de Friedman, où il conviendrait de s’aventurer avec prudence, car le NAIRU rôderait !
En outre, et cela reste un élément clé de l’idéologie du NAIRU qui s’est peu à peu développée dans certains milieux politiques, économiques et financiers, toute velléité de faire passer temporairement le chômage sous ce seuil fatidique serait vouée à l’échec, avec en prime une montée rapide et incontrôlée de l’inflation. En clair, on pourrait éventuellement lutter contre le chômage si celui-ci est élevé, mais pas si celui-ci est faible.
Mais, et c’est indiscutablement en soi un énorme point faible de ce concept, la théorie ne sait pas dire où se situent les limites entre la zone verte et la zone rouge! Le NAIRU est un animal qui se cache bien et que l’on ne sait pas bien cerner. Chômage faible, chômage élevé, tout cela reste flou. Flou et très relatif, on le verra.
Certes les économistes soutenant ce concept vont comme à leur habitude dépenser une énergie considérable à élaborer des modèles mathématiques ultra-raffinés pour tenter de traquer dans l’invisible la fameuse bête, en calculant des chiffres estimatifs du NAIRU pour un pays donné à un instant donné.
Robert Eisner, spécialiste du NAIRU, estima quant à lui en 1997 (http://web.upmf-grenoble.fr/espace-europe/publication/cah_e_e/9/eisner.pdf , p.5) que « produire des estimations du NAIRU est devenu une sorte d’industrie artisanale au fil des années ». Quand le concept est flou et bancal, des chiffres sortis d’une moulinette incompréhensible, si possible avec au moins un chiffre derrière la virgule, redonnent un vernis de sérieux. Bien sûr, le miroir aux alouettes ne trompe que … les alouettes. Mais il semble qu’en la matière, les alouettes soient nombreuses et peu regardantes. D’autant moins regardantes sans doute qu’elles peuvent être intéressées par les conséquences indirectes du NAIRU.
Ainsi, selon une étude de la Commission Européenne, citée dans la revue Problèmes Economiques N°2461 du 28 Février 1996, il y aurait eu en effet 90 chances sur 100 pour que le NAIRU moyen des pays européens soit en 1994 compris entre 2,8% et … 18,8% ! A 2,8 %, on pourrait sans doute parler de chômage faible, à 18,8% c’est évidemment une autre histoire ! Autant dire que la force du concept devrait être inversement proportionnelle à l’imprécision de ses préconisations.
Eh bien non. Détrompez-vous. Le flou, bien exploité et érigé en dogme sous-jacent, fera et fait toujours le succès opérationnel du concept. Sans doute parce que la vérité se tord d’autant plus facilement qu’elle est molle et malléable… pour obtenir ce qu’on veut obtenir. Bien entendu, entre la courbe de Phillips et les interprétations bien plus tardives (y compris celles qui ont cours aujourd'hui), on a glissé subtilement d'une approche scientifique descriptive à une approche dogmatique prescriptive.
Mais bon, si la théorie est faiblarde, des études empiriques doivent bien finir pas cerner le fameux Graal démoniaque du NAIRU, et confirmer la belle cohérence du concept, esquissée par les résultats probants de Philipps. Las! Car à partir de 1970, l’ensemble des pays développés connurent la stagflation, c’est-à-dire à la fois fort chômage et forte inflation ! Comme si cela ne suffisait pas à mettre ce concept au placard, depuis plusieurs années, aux Etats-Unis, le chômage officiel est tombé sous le NAIRU estimé, sans qu’il y ait d’inflation forte, au contraire !
Décidément, les supposées lois de l’économie sont bien plus capricieuses que celles de la gravitation et de la chute des corps. On pourrait dire pas de chance pour les conseillers de nos princes que sont les économistes. Je l’ai déjà dit, ce n’est pas le cas, bien au contraire. Un économiste moderne qui veut faire carrière doit savoir critiquer le NAIRU … tout en le calculant, l’utilisant, le discutant, le raffinant. Non, décidément, celui qui n’a pas de chance en raison de l’existence du NAIRU comme concept macro-économique, aussi bancal soit-il, ce n’est pas l’économiste épris de rigueur scientifique.
Celui qui n’a pas de chance, c’est plutôt le chômeur de base des 30 dernières années qui sans le savoir est au cœur des préoccupations de ces économistes, mais pas toujours pour les raisons qu’il serait en droit d’imaginer…
Parmi les nombreux travaux sur le sujet, il reste de toute évidence à mener une étude pour voir s’il n’y aurait pas (par pur hasard) corrélation entre le nombre d’économistes manipulant quotidiennement le NAIRU sur cette planète et le nombre de chômeurs.
Toujours est-il que le moins que l’on puisse dire, c’est que ce concept de NAIRU est assez sulfureux tant sur le plan théorique que pratique. Et là, on n'est manifestement plus dans la science descriptive, on est dans la pseudo-science PRESCRIPTIVE.
Pourtant, et ce n’est pas le moindre paradoxe le concernant, ceci ne l’empêche pas, comme je l’ai déjà évoqué , d’être toujours aussi utilisé , étudié, discuté et …calculé ! Si vous en doutez, vous verrez que les indices conduisant à une intime conviction sur le sujet ne manquent pas...
A SUIVRE.
[1]Expression plus que douteuse et critiquée , car laissant dans l’ombre le fait que dans le court et moyen terme, les choses seraient bien différentes ; or la vie économique moderne n’est faite – et de plus en plus pourrait-on dire - que de courts termes qui se succèdent ; et comme le disait Keynes ironiquement, à long terme, nous serons tous morts !
09 septembre 2005

Figure 1: Courbe de PHILLIPS, plus le taux de chomage est eleve et moins les salaries sont en mesure d'imposer leurs velleites de hausses salariales...

08 septembre 2005
A toute chose malheur est bon...
07 septembre 2005
Le NAIRU est de ces choses qui peuvent aisément vous sortir de votre torpeur comme un radio-réveil un matin pluvieux. Non seulement de par ce qu'il est, mais aussi, déjà, de par le simple fait de son existence, qui vous "sonne" un peu, et puis encore, et encore plus dirais-je, de par le fait que jamais, jamais, vous n'en avez entendu parler. Et pourtant, depuis trente ans, vous en avez entendu dire des choses sur ce fameux chômage, sur ses causes et sur le prochain plan infaillible du gouvernement pour le terrasser! Eh oui, beaucoup de choses, dont beaucoup de bêtises avec le recul du temps (trente ans!), mais le NAIRU, jamais. Rien. Nada. Rien que ça, cette absence, ça vous donne envie de vous lever, malgré le temps pluvieux, et de creuser la chose. Le NAIRU, ça réveille.
Disons que manifestement, on a dû s'arranger pour d’une part faire en sorte de ne pas trop faire de vagues sur ce sujet (seuls les initiés connaissent), mais aussi développer tout un discours, tantôt connaisseur et hypocrite (celui des initiés), tantôt naïf et sincère (celui des ignorants), pour expliquer que ce fameux chômage est donc un vilain fléau contre lequel on se mobilise comme des pompiers luttent courageusement contre un dramatique incendie. Mais, on le sait, certains pompiers peuvent aussi être pyromanes… Alors cet incendie n’est-il pas en fait un incendie volontaire ?
06 septembre 2005
Depuis l’âge de sept ans, en 1973, j’ai appris à vivre, comme vous sans doute, dans une société dans laquelle le chômage est devenu un terme et une réalité tellement familiers qu’il fait désormais partie des murs de la maison. En augmentation régulière depuis cette date, à de rares exceptions près, il est même devenu ce que l’on appelle couramment un « chômage de masse », autant par le nombre des personnes concernées directement ou indirectement dans la population (qui se comptent en millions dans la plupart des pays) que par son extension à l’ensemble des pays caractérisés par une économie « moderne » de marché.
L’Allemagne vient ainsi en Janvier 2005 de dépasser le cap des 5 millions de chômeurs inscrits (j’insiste sur ce terme, on verra pourquoi), record absolu depuis la seconde guerre mondiale. En Europe, les chiffres officiels seraient aux alentours de 18 à 20 millions. Cela fait désormais 30 ans que le phénomène est présent et se répand. Et cela fait également 30 ans que nos dirigeants et leurs conseillers politiques et économiques de tous poils ânonnent le même refrain : le chômage est un Fléau (comme en son temps les sept plaies d’Egypte), et il constitue la préoccupation, l’objectif, la priorité « number one » du gouvernement du moment, nécessitant un engagement de tous pour mener la lutte, que dis-je la Croisade contre cette catastrophe sociale. Mais si le discours a présenté pendant longtemps ces chômeurs comme de pauvres victimes innocentes d’un système économique lui aussi innocent puisque visant un bien-être économique et social toujours plus grand, la tendance actuelle en Europe est à un discours bien plus culpabilisant … non pour le système qui reste au dessus de tout soupçon, mais pour ces chômeurs qui sont de plus en plus désignés par nos politiques comme un peu responsables de leur sort, quand il ne sont pas tout simplement des tire-au-flanc et des fraudeurs.
En 1998, connaissant moi-même mon baptême du feu en tant que chômeur (j'étais cadre dans une grande entreprise), je me décide à mieux comprendre de l’intérieur cette partie du système économique. Autant faire de cette période une période de formation… aussi sur ce qu’est le chômage ! Le chômage, comment ça marche ? Quels sont les règles, les droits, les modes de calculs des statistiques, quelle est son histoire, qu’en dit-on en politique et dans les médias, que fait-on pour le gérer voire le résorber ? La première évidence qui saute aux yeux, c’est que si le chômage est soi-disant le produit d’une crise conjoncturelle, c’est une crise qui dure ! Et une crise qui dure n’est plus une crise. Par définition ! Par ailleurs, tout semble bien me montrer qu’il y a une véritable machinerie mise en place pour le gérer sur le long terme. Il ne s’agit pas là de dénoncer ou de critiquer cette machinerie, il s’agit juste de constater son existence. Ce que j’ai en face de moi pour me gérer en tant que chômeur n’est pas un hôpital de campagne, c’est un hôpital tout court. Si le chômage est un Fléau, c’est un Fléau Institutionnalisé. Mais à cette date, bien que commençant à avoir quelques doutes sur l’efficacité des discours incantatoires visant à son éradication, je n’en ai pas encore vraiment sur la sincérité de ceux qui les diffusent.
Et puis, en 2000, je tombe par hasard sur un livre intitulé « La comédie des fonds de pension [1]», rédigé par un inconnu pour moi, Jacques Nikonoff, qui n’est bien sûr pas encore le Président d’Attac à cette date. Un chapitre est consacré à une bête étrange et singulière, le NAIRU, acronyme anglais de « Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment ». Kesako? La traduction littérale est le « taux de chômage qui n’accélère pas l’inflation ». Sans rentrer dans le détail tout de suite, l’idée serait qu’en macro-économie moderne, si on ne souhaite pas que l’inflation (mesurée par la hausse des prix à la consommation) dépasse un certain niveau, il faudrait que le chômage ne descende pas en dessous d’un certain seuil, qui serait justement donné par ce fameux NAIRU. Vous avez bien lu, « ne descende pas en dessous de ce seuil » ! En clair, dans une économie moderne, il y aurait une sorte d’arbitrage délibéré entre chômage et inflation. Moins d’inflation voudrait dire plus de chômeurs, et vice versa. La conclusion qui en découlerait serait que bien sûr, un chômeur ne serait pas une victime innocente d’un système tout à fait innocent, mais une victime innocente, préméditée et UTILE d’un système qui ne serait pas tout à fait innocent s’il s’avérait qu’il ait comme vraie priorité « number one » la lutte contre l’inflation. Chômage ou inflation, il faudrait choisir, et le choix pourrait être coupable! J’ai alors la même réaction que vous probablement en ce moment : c’est tellement énorme que je reste incrédule malgré le caractère manifestement bien documenté du chapitre en question. Un niveau de chômage délibéré maintenu comme nécessaire au fonctionnement du système, c’est tellement éloigné de la représentation de l’opinion publique et des discours qui l’abreuvent, non, ce n'est évidemment pas possible!
J'effectue alors quelques recherches sur Internet afin d’éclaircir la chose. Et là, je suis sidéré. Non, seulement ce concept existe bel et bien, mais en plus il apparaît comme pleinement opérationnel si j'en juge au nombre et à la nature des documents que je découvre et dans lesquels il apparaît. Loin d'être un concept poussiéreux restant cantonné au fin fond de quelque manuel d'économie, il est reprit et développé par de nombreux analystes et décideurs économiques, parmi lesquels des organismes et des institutions influentes (OCDE , BCE, FED, pour n'en citer que quelques-unes) ainsi que des personnalités aussi connues qu'Alan Greenspan ou Jean-Claude Trichet par exemple, respectivement présidents des deux banques centrales européennes et américaines.
Le lecteur un peu curieux, et même le journaliste moderne un peu atone et endormi par le « fil » incessant des dépêches de l'AFP qu’il a appris à « copier-coller » pour remplir de manière « productive » les colonnes dont il a la charge, pourra ainsi vérifier par lui-même qu'en tapant NAIRU sur un moteur de recherche comme Google, ce ne seront pas moins de 61 200 pages contenant ce terme qu'il pourra consulter avec profit, d’autant mieux qu’il maîtrise la langue de Shakespeare il est vrai ! Le NAIRU est omniprésent dans certains milieux, et pourtant il reste invisible aux yeux de tous. Chut, il vaut mieux ne pas s'étendre là-dessus ! Comme le déclarait en 1996 le vice-président de la Banque Centrale américaine, Alan Blinder, ce NAIRU est « le petit secret de la macro-économie » ("the clean little secret of macroeconomics" )!
Quand même …
Il y a là quelque chose qui semble pour le moins discordant avec les discours que l'on entend tous les jours sur ce sujet qui est devenu au fil des ans, et si on en croit les sondages d'opinions (mais doit-on encore les croire?), la préoccupation majeure des français. La peur du chômage avant même la peur de l'insécurité, l'insécurité économique plus angoissante que "l'insécurité" tout court, voilà une histoire de peurs qui mérite d'en examiner d'un peu plus près les ressorts. Car les ressorts, comme chacun le sait, ça se remonte...
04 septembre 2005
Le NAIRU, le taux de chômage en dessous duquel il NE FAUT SURTOUT PAS descendre, est le Diable Moderne: le chômage qui en résulte sert avant tout, et délibérément, à faire peur aux citoyens et aux salariés. Afin de les rendre plus dociles... A chaque époque son Diable et ses formes de contrôle social. Les discours actuels sont à la culpabilisation de ces "fainéants de chômeurs", qui ne penseraient qu'à frauder le système. Et si c'était le système qui nous fraudait tous?
Ce blog est une plongée dans le plus "grand petit secret" de la macro-économie. Inconnu du grand public, jamais évoqué dans aucun débat médiatique, le NAIRU est LA clé pour comprendre le chômage actuel, en particulier son caractère massif et persistant. Qui n'est pas un fléau contre lequel tous jurent - pardon, promettent - de mener Croisade, comme nos politiques et présentateurs de JT nous le répètent à l’envi, mais un choix délibéré, réalisé au plus haut niveau. Un choix éclairé, justifié par un argument présenté comme rationnel: la lutte contre l’inflation. Mais cet argument est lourd de conséquences, dans la mesure où il est aussi un prétexte pour faire accepter sans questionnement des choses bien moins avouables. L'arbre de la lutte contre la vie chère cache la forêt du chômage de masse, de l'insécurité sociale, de la trouille de perdre son emploi. Si Croisade nous devons mener, ce n'est pas contre le chômage en lui-même mais contre ceux qui le programment et l'instrumentalisent, aux dépens et à l'insu de la majorité de la population...
A l'époque d'Internet, les blogueurs copistes ne craignent plus rien (enfin je l'espère!). Dieu merci ?