28 octobre 2005
NOUVEAU: Conférence sur le NAIRU écoutable en ligne...
http://lenairu.free.fr/pages/ressources_audiopag.html
Merci de bien vouloir m'indiquer vos réactions, questions ou problèmes éventuels par mail à:
jl.duh@free.fr
26 octobre 2005
Finance, chômage et modes de pensée dominants...
Dans un essai de sociologie des milieux financiers, intitulé "Les traders" (La découverte/Poche), Olivier Godechot nous décrit l'univers de la "salle des marchés" d'une grande banque française (qu'il appelle la Compagnie Universelle) et réalise un certain nombre d'enquêtes et d'observations de terrain. On trouve dans son livre, p.212 à 214, un passage fort intéressant qui se rapporte étroitement à notre sujet. Son but étant de mettre en évidence quels sont les types de raisonnements économiques qui sont majoritairement adoptés par les opérateurs boursiers pour orienter leurs décisions, il essaie de déterminer lequel des deux sytèmes de pensée économique semble dominer l'autre: l'approche keynésienne (hétérodoxe) ou l'approche dite néoclassique d'inspiration monétariste. Mais ce qui nous intéresse encore plus, c'est que pour cerner la réponse, il choisit deux questions censées être centrales pour départager les opinions, car omniprésentes en pratique dans les milieux boursiers. Et bien sûr, l'une des ces questions porte, vous l'aurez deviné, sur le trio "chômage-profits financiers-cours de bourse"!
*une hausse des salaires, donc du taux d'inflation, donc du taux d'intérêt, donc une baisse des cours des actions
*une hausse de la consommation, donc des profits, donc une hausse des cours
45% des opérateurs interrogés optent pour la première réponse!
Seuls 29% choississent la seconde, qui pourtant dans les faits fut observée aux Etats Unis dans la période récente (faible inflation officielle, faible chômage officiel lui aussi...)
Ainsi, la réponse faite par le chef stratégiste interrogé sur France Info (voir article ci-dessous), n'est-elle pas un avis personnel à caractère exotique, mais bien le révélateur d'un schéma de pensée dominante ayant cours dans ces milieux. Il reflète comment le dogme économique actuel est empreint "d'évidences" pour certains milieux qui orientent aujourd'hui le sens d'évolution de nos sociétés.
Mais on ne peut qu'être surpris par le fait que les évidences d'une minorité correspondent à l'ignorance du grand nombre: celui des citoyens qui écoutent leurs "représentants" leur expliquer ce qui ressemble à de belles histoires qui endorment...
La colombe de la "lutte contre l'inflation" illumine les cieux des marchés financiers...
Ce 24 Octobre 2005 a été annoncée officiellement la nomination, par George W. Bush, de Ben Bernanke comme successeur, au 31 Janvier 2006, d’Alan Greenspan à la tête de la Banque Centrale américaine, la FED.
Ainsi rassurés sur l’avenir de la lutte contre l’obsédante inflation, les marchés financiers américains « ont été soulagés » et ont « salué cette nomination » (comme entendu et lu dans de nombreux articles et commentaires de la sphère financière) par une hausse importante des indices boursiers : le Nasdaq a terminé en hausse de 1,6%, et le Dow Jones a connu sa meilleure hausse depuis le 21 Avril dernier…
Cette information m'amène à citer ici un autre élément qui illustre remarquablement la logique NAIRUesque à l'oeuvre, à l'insu du grand nombre, dans toute une caste dominante de la vie économique:
27 MAI 2005, 12h59, France Info, La Bourse.
Le chef stratégiste de chez VP finance, François Chevalier, alors qu’on l’interroge sur les perspectives boursières dans les mois à venir, répond :
« Le pire ennemi des profits financiers c’est le plein emploi […] or, nous sommes loin du plein emploi. »
Avouez que quand c'est un financier qui le dit, c'est tout de suite plus crédible...
20 octobre 2005
Et si aujourd'hui, on décidait que c'était la Saint NAIRU?
Cette initiative est en réalité la version francisée du "Boss Day" américain, la "Fête des Patrons" ayant été remplacée au passage par une traduction plus "neutre", la "Fête de l'Entreprise", laissant supposer que ce serait aussi la fête de tous les salariés et non seulement celle des entrepreneurs, qui on le sait sont insuffisamment reconnus pour leur contribution désintéressée, quasi-humanitaire dirais-je, à la Bataille pour l'Emploi...
On apprendra ainsi avec intérêt que cette campagne est depluis le début placée sous le "haut patronage" (nom fort adapté du reste) d'un des lieux de pêche au gros NAIRU que vous connaissez bien désormais, j'ai nommé le Sénat. Vous pourrez vous en convaincre par exemple en lisant l'article ci-dessous, signé Sophie de Menthon herself, dont la prose éclairera mieux que de longs discours le but clairement affiché:
Eh oui, compte tenu du fait qu'il est malheureusement "politiquement correct de s'apitoyer systématiquement et à chaque occasion sur le sort des salariés", que "la pédagogie qui est le devoir des élites a été sacrifiée depuis trop longtemps au profit d'un discours édulcoré uniquement axé sur l'objectif de répondre aux émotions populaires" (!), ce qui n'est guère surprenant puisque " l'ignorance économique règne sur les bancs de nos élus" (bien qu'ils manipulassent le NAIRU à la perfection semble t-il...), il n'est pas surprenant que la majorité de nos concitoyens aient répondu "Non" le 29 Mai dernier, car cette "réaction populaire négative" n'est-elle pas "finalement le résultat du fossé qui existe entre les élus et l'entreprise" ? Brillante démonstration, n'est-il pas?
Alors Sophie, dont le mari, Pierre-Henri, fait tout ce qu'il peut pour répandre la bonne parole comme rédacteur en chef de l'hebdomadaire Challenges ("face à des Français qui s’intéressent peu à l’économie, il faut donc créer le besoin en convaincant les gens de la nécessité d’acheter un "news éco" toutes les semaines" (sans doute pour y entendre parler du NAIRU?)
http://www.snptv.org/decouverte/read_vutv.php?id_vutv=554),
a décidé de prendre le taureau par les cornes et de faire aimer l'entreprise à ses salariés. Laurence Parisot voulant elle "faire aimer l'économie aux français". Quant à moi, Guillaume de Baskerville, mon ambition est plus modeste: faire aimer cet inconnu, le NAIRU...
Mais ce qui est plus surprenant, c'est de voir que l'ANPE est elle aussi partenaire de cette opération un peu particulière... Pour preuve les extraits qui suivent:
"- L’ANPE participe-t-elle à cette opération ?
- Sophie de Menthon: Oui, et je lui tire un grand coup de chapeau. Quand j’ai appelé pour parler de mon idée, la première fois, on m’a dit : « Mais vous êtes folle, comment osez vous dire « J’aime ma boîte » à des gens qui n’ont pas de boulot ! » Finalement, j’ai eu une femme remarquable à la DRH de l’ANPE, qui a compris tout de suite qu’on pouvait impliquer les demandeurs d’emploi. Ils ont souvent beaucoup aimé l’entreprise qu’ils ont quittée, et ils ont du mal à aimer la prochaine. Il existe un lien affectif très fort entre les demandeurs d’emploi et les entreprises, car ils ont besoin d’elles. L’ANPE a donc été partenaire dès la première fête de l’entreprise, l’année dernière. Cela a notamment permis au Medef Ile-de-France de se rendre compte que l’ANPE n’était pas hostile aux entreprises, et ainsi de faire appel à elle pour recruter." http://www.anpe.fr/actualites/interview/archives_2004/est_fete_3122.html
Ca c'était pour 2004. En 2005, ça donne cela:
Alors bien sûr, le rapprochement entre le NAIRU et cette incitation à "aimer sa boîte", ou du moins à le montrer et "à faire comme si", sont deux faces d'une même stratégie. Une stratégie éminemment perverse et destructrice en réalité, car elle place les salariés dans des formes "d'injonctions paradoxales" ("double bind") extrêmement pénibles à vivre au quotidien: la trouille mais avec le sourire, pour le dire vite, ou encore le non-choix, mais avec enthousiasme...
Quant aux chômeurs, façe à ces démonstrations flamboyantes du "bonheur de la vie en entreprise", il ne peuvent que se sentir malheureux face à tant d'allégresse autour d'eux! Ce que résumait un éditorial grandiose du magazine ultra-libéral "Enjeux-Les Echos" d'Avril 2005, intitulé "Adieu Paresse", en réponse au succès venimeux du livre de Corinne Maier "Bonjour Paresse" bien sûr. Pour introduire le dossier spécial de 70 pages "Tout sur le travail en France" (tout sauf le NAIRU s'entend), l'inquiétant François Langlet n'hésitait pas à écrire:
"Paresseux les français? Point n'est besoin de battre les buissons (?) pour se rendre compte que la plupart des gens aiment travailler. Au point que lorsqu'ils sont privés d'activité par le chômage ou la maladie, ils S'ETIOLENT." Et de poursuivre: "Cet appétit pour le travail est confirmé par les statistiques internationales, qui font état d'une très bonne productivité de la France, au moins dans le secteur privé".
Mais il est vrai qu'un affamé a toujours un peu d'appétit...
Eh oui, en 1786 Joseph Townsend, révérend méthodiste et économiste anglais de son état, écrivait déjà :
« La faim saura dompter l’animal le plus féroce, elle est capable d’enseigner l’honnêteté et la civilité, l’obéissance et la soumission, à l’individu le plus grossier, le plus têtu, le plus pervers… Seule la faim est capable d’aiguillonner [les pauvres] et d’inciter au travail. »
Affamer pour mieux servir la soupe... et réclamer que l'on baise les pieds de ceux qui la procurent? La soupe au NAIRU pourrait bien être quelque peu frelatée...
17 octobre 2005
Quelques mots de la première conférence-débat sur le NAIRU, le 10 Octobre à Strasbourg
10 octobre 2005
Une prise de position lourde de sens...
Lisez donc ce communiqué de presse disponible ici, sur le site du Parlement européen:
http://www.europarl.eu.int/press/sdp/dirinf/fr/d000405.htm
"M. Franco MODIGLIANI, professeur au MIT et lauréat du prix Nobel d'économie en 1985, a accusé hier (5 Avril 2000), à Bruxelles, la Banque centrale européenne d'être responsable du taux de chômage élevé que connaît l'Europe.
Intervenant dans le cadre de l'audition publique organisée par la commission économique et monétaire présidée par Mme Christa RANDZIO-PLATH (PSE, D), il a exprimé son affliction devant cet "affreux chômage massif" et a dénoncé le manque d'ambition de l'objectif de 10% de chômeurs. "Aussi longtemps que ce taux n'est pas descendu à 3%, les efforts ne peuvent être relâchés", a-t-il déclaré. A ses yeux, si ce taux est aussi élevé, "c'est que la BCE le veut". La BCE "programme le chômage", a-t-il ajouté, avant de proposer que la commission invite la Banque centrale à exposer sa stratégie de l'emploi et à expliquer son attitude qui considère le chômage comme "quantité négligeable".
Par ailleurs, il réitèrera ses critiques, toujours en 2000, lors d'une conférence à Freiburg, déclarant:
05 octobre 2005
Séance cinéma...
02 octobre 2005
INFO: Conférence - débat "Le Nairu, la face cachée du chômage", Lundi 10 Octobre à Strasbourg.
"A contre-courant des représentations actuelles des causes du chômage, et des discours culpabilisants montrant du doigt les chômeurs comme responsables de leur situation, il existe un surprenant concept économique utilisé depuis de nombreuses années par les plus hautes instances de décisions politiques et économiques (Sénat, OCDE, BCE, etc.).
Totalement inconnu du grand public, le « NAIRU » fait du chômage et des chômeurs un véritable outil de pression sur les salariés, et offre de nouvelles clés de lecture du chômage massif et durable de ces trente dernières années.
C'est pour lever le voile sur ce mystérieux concept que le groupe « NAIRU, la face cachée du chômage » récemment créé au sein d’Attac Strasbourg, organise une première conférence-débat ouverte à toutes et tous, le lundi 10 octobre à 20 h à la Maison des associations 1a, place des Orphelins, à Strasbourg. Infos : http://lenairu.blogspot.com et http://www.local.attac.org/strasbourg/ "