18 janvier 2007

Chose promise, chose due...


Extrait vidéo de la chaine BLOOMBERG TV (chaine financière sur le satellite), enregistré le 22 Décembre 2006.

Un économiste de la Société Gérérale est interviewé pour commenter les dernières décisions et explications de Jean-Claude TRICHET, Président de la Banque Centrale Européenne (BCE) quant à la politique monétaire européenne actuelle et à venir.

On parle évidemment beaucoup d'inflation (l'obsession de la BCE et des milieux financiers, l'inflation cette "euthanasie des rentiers" comme l'appelait KEYNES), et très vite on parle des risques inflationnistes et donc du marché de l'emploi qui s'améliorerait (ah?). Mais il est vrai que les taux de chômage sont en baisse (même apparente) et ça, ça "REND NERVEUX LA BCE"! Le reste je vous le laisse écouter.
Juste pour bien comprendre quelques points de jargon économiste:

- les "effets de second tour": en résumé, c'est lorsque les entreprises répercutent leur hausses de coûts et surtout que les salariés se rendant compte que le coût de la vie augmente, se mettent à réclamer des hausses de salaire...

- et bien sûr: le
"taux de chômage d'équilibre", c'est le nom français du... NAIRU (taux de chômage minimum qui permet d'équilibrer l'inflation, d'éviter qu'elle n'augmente, en faisant pression sur les salariés).
Ecoutez bien c'est d'une limpidité qui devrait convaincre plus d'un sceptique!


La video est en NEWS de mon autre site, sur cette page:
http://lenairu.free.fr/pages/17alhomepag.html
ou directement sur DailyMotion depuis aujourd'hui:
http://www.dailymotion.com/video/x10ix3_le-chomage-voulu


Notez d'abord à quel point cette inflation est surveillée comme le lait sur le feu (à 2,1% au lieu de 2% le gars parle de RISQUE... Mot qui revient un nombre assez impressionnant de fois, toujours associé à Inflation bien sûr...).

J'ai retranscrit le passage clé ci-dessous:

"... aujourd'hui il y a une amélioration de la situation de l'emploi, il y a des tensions sur certains marchés du travail et on voit bien que même si les taux de chômage restent élévés (il le reconnaît, NDLR!), on peut se dire qu'HISTORIQUEMENT ON EST AU NIVEAU DES TAUX DE CHOMAGE D'EQUILIBRE (NAIRUs donc, NDLR!), VOIRE LEGEREMENT EN DESSOUS, et ça ça crée FORCEMENT un RISQUE ou une NERVOSITE du côté de la BCE..."

FORCEMENT!!!!

Nerveux qu'il est Monsieur TRICHET quand le chômage baisse un peu trop donc...

"C'est bien cette accélération des salaires qui est mise en avant dans le discours de la BCE comme principal RISQUE de diffusion de l'inflation pour 2007".

Clair non?
Peu auparavant, notre économiste avait souligné dans l'interview que le Dieu Trichet avec prononcé dans sa conférence de presse le mot "attentif" et que ce mot est considéré comme le CODE (il emploie ce terme) pour indiquer aux marchés (financiers) que la BCE prenait très au sérieux (elle est "attentive"!) les risques en question...

Pour ceux qui ne seraient pas habitués à ce type de médias (Bloomberg), de tels propos et de telles explications sont loin d'être des cas isolés (ils sont entre eux, c'est une chaine d'initiés), et ce genre de raisonnement y est très courant.

A tel point que maintenant j'anticipe assez bien quand ils RISQUENT de l'évoquer. Pour mieux les enregistrer...

Et convaincre un monde incrédule que non le chômage n'est pas qu'un Fléau, mais aussi un outil de régulation et de contrôle social...
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01 janvier 2007

Bientôt, pour les sceptiques, la preuve par l'image!

En ce début 2007, j'ai le grand plaisir d'annoncer à tous les sceptiques du NAIRU que ma pêche de fin d'année a été bonne et que très bientôt vous aurez ici, sur ce blog, un petit enregistrement vidéo qui devrait commencer (ou achever?) de convaincre les plus sceptiques... C'est tellement mieux quand ils le disent entre eux, et c'est tellement bien quand moi je peux les attraper en flagrant délit de maintien délibéré du chômage à un niveau suffisamment élevé...
Bientôt donc, ici, LA PREUVE par l'image et le son!

GdB

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11 décembre 2006

"Y'a quelqu'un que ça arrange là dedans..."

...Eh oui, cet ex-directeur général de Coca-Cola et désormais directeur de la SERALEP, à Saint Vallier, arrive à une conclusion bien similaire à laquelle je suis arrivé moi-même il y a quelques années. Comme il le dit en une phrase:
"Je pense que ces 10% de chômeurs qui existent depuis 20 ans, ils doivent intéresser quelqu’un… Y’a quelqu’un que ça arrange là-dedans !"
Flash back. Je reçois il y a deux jours sur ce blog un message d'un lecteur, Fredo, qui m'explique qu'il faut absolument que j'écoute l'Emission de Daniel Mermet, Là bas si j'y suis, diffusée le 29 Novembre 2006, intitulée "Les Patrons contre la Finance". Et particulièrement (mais le cycle des trois émissions vaut le coup d'être écouté en entier!), la 46' minute de cette émission là:
http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=1046
Je mets ci-dessous en intégralité le passage concerné, que j'ai retranscrit par écrit. François Ruffin, journaliste, pose donc des questions à ce directeur d'usine quant à sa vision des "licenciements boursiers" et de la situation de l'emploi en général dans ce contexte.
François RUFFIN : Vous pensez qu’il y a quasiment une concurrence à celui qui fera de plus en plus de licenciements aujourd’hui?

Dominique ARTHAUD: Je pense que ces 10% de chômeurs qui existent depuis 20 ans, ils doivent intéresser quelqu’un… Y’a quelqu’un que ça arrange là-dedans ! Y’a des gens qui se désolent, tous les jours on en parle. Revenons aux amis de SERALEP [NDLR: l'entreprise dont il est aujourd'hui Directeur, et qu'il essaie de redresser après que cette entreprise soit passée de groupes en groupes contrôlés par des fonds de pensions], les plus gros donateurs sont des commerces de Saint-Vallier, ils ont compris intelligemment et généreusement que c’était aussi l’intérêt de tout le monde que SERALEP vive. Donc un des plus gros donateurs, c’est l’Intermarché qui est à 100 mètres de chez nous ici dans le Nord de Saint-Vallier, un des plus gros donateurs c’est un garage Renault qui est à côté de chez nous, c’est pas neutre, c’est à la fois des gens généreux, c’est à la fois des gens qui intelligemment se sont dit que si on ferme là, eh ben de toute façon ils achèteront plus, ou ils achèteront deux fois moins. Ce qui est surprenant, c’est que le MEDEF fasse pas cette approche, le MEDEF devrait se dire : « Surtout ne licencions pas chez Y, parce que demain je vais licencier chez X » alors qu’aujourd’hui, on a l’impression que c’est « « Vas y Y, vas y ! Licencie, tu te porteras bien mieux et X suivra ton exemple ». Moi ça me désole…

FR : Vous dites qu’il doit y avoir des gens à qui ça sert qu’il y ait 10% de chômeurs depuis 20 ans, vous pensez que ça sert à qui ?

DA : Je pense que ça donne pour un certain nombre d’employeurs une possibilité de « jouer négativement » sur le marché de l’emploi… Quand je dis négativement, moi je vois, j’ai quatre filleuls, y’en a un qui est chômeur, (ils ont à peu près 25 ans), un qui a un stage, un qui a fait de l’intérim et un qui a un CDD. Aucun n’a un CDI, comme si le CDI avait disparu du marché du travail ! C’est des jeunes de 25 ans, on leur donne déjà une image bizarre de l’entreprise, et maintenant on s’est mis à jouer avec ce marché du travail ce qui est facile hein, y’a plein de monde qui est là, ils acceptent des postes qu’ils n’auraient certainement pas accepté à une époque, par rapport à leur formation, surtout qui acceptent des conditions de travail qui sont moyennes. Et comme vous pouvez le voir, les revendications sont quand même très minimes, je pense qu’on est devenus un peu peureux, et que ce marché du travail à 10 % (de chômeurs), je pense qu’il y a un certain nombre de patrons que ça arrange.

FR : Ca veut dire que finalement ces 10% de chômeurs, ils contribuent à imposer un silence au mouvement social ?

DA : Ces 10% de chômeurs, ils contribuent à imposer un marché du travail où il y a quelqu’un qui souffre, c’est celui qui cherche du travail, quelqu’un qui est parfaitement à l’aise pour proposer des salaires moins forts qu’avant ou pour freiner au maximum les revendications. C’est vrai, je pense qu’on ne propose presque que des CDD de nos jours...
Bon, eh bien que rajouter à ces explications d'un autre cadre qui arrive manifestement aux mêmes conclusions que moi? S'il pouvait connaître les dessous du NAIRU, la boucle serait bouclée... Mais alors, serait-il possible que bien d'autres personnes commencent à douter des beaux discours sur la bataille pour l'emploi et sur les "croisades" contre ce "Fléau" du chômage que l'on nous sert, et de tous bords politiques confondus, depuis 25 ans?
Et comme un hasard n'arrive jamais seul, voilà qu'hier Dimanche, lors du zapping sur Canal+, je vois passer un extrait d'un documentaire diffusé sur France 5 intitulé "Il était une fois le salariat" et dans lequel l'économiste (atypique!) Bernard Maris explique que, bien sûr, le chômage est aussi "structurel" (autre petit nom du "chômage d'équilibre", autrement dit du NAIRU) et que depuis 20 ans il a aussi bien servi à dociliser les ardeurs et les revendications des salariés!
Et comme les réalisateurs du Zapping sont de subtils monteurs de séquences, quelques séquences plus loin on apprend dans un extrait de JT que d'après un sondage récent (ah les sondages!):
près de 50% des français envisageraient (avec anxiété) comme possible le risque de devenir SDF au cours de leur vie, avec une proportion de 62% des 35-49 ans!!!!!
J'appelle cela la pédagogie de la Peur. Y'a pas à dire, le dressage a bien été fait depuis 20 ans, et les jeunes qui entrent aujourd'hui dans le "monde du travail "comme on l'appelle (ou du moins tentent d'y entrer...) apprennent vite que c'est loin d'être le meilleur des mondes! Et qu'à court terme, c'est le profil bas qui semble s'imposer...
Face à cela, comment continuer à accepter cette mascarade qui consiste pour la plupart des politiques, et comme le dit joliment le chanteur Yves JAMAIT dans un de ses textes, à planter des fleurs aux pieds des SDF!
TF1 et consorts passent beaucoup de temps à passer des reportages sur les nouveaux pauvres, sur la précarité, sur les difficultés à se loger, sur le surendettement, sur les SDF et bientôt viendra le "marronier" traditionnel (et donc déjà prêt) sur "la première victime du froid" qui sera bien sûr un SDF... J'avais déjà écrit un article l'année dernière sur ce sujet, le 25 Novembre 2005. Cette année la première victime du froid est encore en vie, elle a du retard... Est-ce parce que d'après l'INSEE, il y aurait moins de pauvres... ou bien plutôt à cause du réchauffement climatique?
Ne soyons pas dupes. Car comme je le disais il y a un an, ils montrent, mais que démontrent-ils? TF1 exprime t-elle là toute sa dimension sociale? Permettez moi de igoler... Non, ne faut-il pas plutôt voir dans ces gesticulations médiatiques désormais bien rôdées et prêtes à servir une véritable Pédagogie par la Peur?

Guillaume de Baskerville
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20 octobre 2006

Le NAIRU est une arme...

... et voici le butin du hold up que cette arme a contribué à détourner:
http://www.leplanb.org/page.php?article=36
Bien sûr, on est plus enclin a expliquer dans les médias que les français vivraient au-dessus de leurs moyens, ou à leur montrer en boucle l'ampleur apparemment abyssale des déficits publics qui ont en réalité été constuits de toute pièce au cours de ces deux dernières décennies, en transférant une partie considérable (150 milliards d'euros par an!) de la richesse produite en France, du monde du travail vers le monde du capitalisme financier qui lui, vous l'avouerez, ne semble pas se porter si mal de vivre au dessus de NOS moyens...
Cet article résume de manière radicale la nature de ce hold up:en plaçant un pistolet sur la tempe des salariés (le chômage et la précarité couplés désormais au chantage à la délocalisation), le principe actif du NAIRU, qui est la Peur, a produit ce transfert de richesses, années après années...

Guillaume de Baskerville

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28 septembre 2006

Le plein emploi est le pire ennemi des profits financiers (bis)!

De retour de congés, j'ai découvert sur un blog un petit article qui va me permettre de vous montrer que les "traders boursiers" dans les salles de marché ne pensent décidément pas comme le commun des mortels. En revanche, il semblerait bien que leur raisonnement soit quelque peu influencé par une logique NAIRUesque... Au risque de passer pour des fantaisistes au yeux d'Edwy Plenel? (voir mes billets du 19 Mai et du 28 Mai 2006).

L'article en question, tout d'abord, avec les réactions des lecteurs, est consultable ici:

http://20six.fr/aurelianobuendia/art/1295950

L'auteur réalise en fait un décryptage autour d'un évènement ponctuel qui l'a quelque peu surprise, à savoir l'évolution du CAC40 le 4 août 2006 à 15h.

Je cite:
Vous voyez le boost à 14h25 ? il intervient 5 minutes après la publication de chiffres moins bons que prévus sur le nombre d'emplois créés (NDLR, aux USA)!!!
Et je vous assure que je ne délire pas, ça donne ce genre de truc dans les depêches AFP :
"Après cette publication, le CAC 40 a nettement accéléré, une "réaction logique" selon un courtier: "ces mauvais chiffres pourraient inciter la Fed à ne plus augmenter ses taux", expliquait-il."

Et elle ajoute: On apprécie la "logique" de la réaction...

La logique de certains (et en particulier la logique dominante) n'est pas toujours la logique du sens commun. Elle n'en reste pas moins une logique et non une aberration pontuelle.

Les lecteurs les plus assidus de mon blog et de mes sites se rappelleront une autre citation d'un Stratégiste financier reprise dans ma page Citations-Ils ont dit http://lenairu.free.fr/pages/citationspag.html

27 MAI 2005, 12h59, France Info, La Bourse:

Le chef stratégiste de chez VP finance, François Chevalier, alors qu'on l'interroge sur les perspectives boursières dans les mois à venir, répond : " Le pire ennemi des profits financiers c'est le plein emploi [...] or, nous sommes loin du plein emploi".

Voilà qui est clairement dit et montre pour le moins une certaine similitude avec la logique boursière du 4 Août 2006 à 14h25!

Je ne peux que vous rappeler par ailleurs ce que j'écrivais dans mon article du 26 Octobre 2005, intitulé: Finance, chômage et modes de pensée dominants...


Pour poursuivre cette petite escapade au sein de la finance, je me dois de préciser que l'observation de ce milieu m'a amené progressivement à me rendre compte que les logiques de raisonnement induites par le NAIRU étaient belles et bien présentes dans les salles de marchés et les explications des commentateurs financiers de tous horizons. Ce qui me conduisit, à une période où mon intérêt pour l'étrange animal était encore incertain et plein de questionnements, à me rendre à l'évidence: le dogme du NAIRU semblait avoir pénétré ces milieux...

Dans un essai de sociologie des milieux financiers, intitulé "Les traders" (La découverte/Poche), Olivier Godechot nous décrit l'univers de la "salle des marchés" d'une grande banque française (qu'il appelle la Compagnie Universelle) et réalise un certain nombre d'enquêtes et d'observations de terrain. On trouve dans son livre, p.212 à 214, un passage fort intéressant qui se rapporte étroitement à notre sujet. Son but étant de mettre en évidence quels sont les types de raisonnements économiques qui sont majoritairement adoptés par les opérateurs boursiers pour orienter leurs décisions, il essaie de déterminer lequel des deux sytèmes de pensée économique semble dominer l'autre: l'approche keynésienne (hétérodoxe) ou l'approche dite néoclassique d'inspiration monétariste. Mais ce qui nous intéresse encore plus, c'est que pour cerner la réponse, il choisit deux questions censées être centrales pour départager les opinions, car omniprésentes en pratique dans les milieux boursiers. Et bien sûr, l'une des ces questions porte, vous l'aurez deviné, sur le trio "chômage-profits financiers-cours de bourse"!


Après avoir rappelé, p.212, le principe de la courbe de Philips et de la relation inverse entre chômage et inflation, il nous livre les résultats de son enquête.
A la question


"Une baisse du chômage aux Etats-Unis signifie t-elle pour vous",


*une hausse des salaires, donc du taux d'inflation, donc du taux d'intérêt, donc une baisse des cours des actions


*une hausse de la consommation, donc des profits, donc une hausse des cours


45% des opérateurs interrogés optent pour la première réponse!


Seuls 29% choississent la seconde, qui pourtant dans les faits fut observée aux Etats Unis dans la période récente (faible inflation officielle, faible chômage officiel lui aussi...)

Je complète ainsi ma conclusion de l'époque:


Ainsi, la réponse faite par le chef stratégiste interrogé sur France Info n'est-elle pas un avis personnel à caractère exotique. Il en est de même du comportement boursier du 4 Août 2006 à 14h25, ainsi que des analyses qui ont suivi. Ce sont là des révélateurs tangibles et évidents d'un schéma de pensée dominante ayant cours dans ces milieux. Il reflète comment le dogme économique actuel est empreint "d'évidences" pour certains milieux qui orientent aujourd'hui le sens d'évolution de nos sociétés.

Fantaisiste le NAIRU, mon cher Edwy?

Guillaume de Baskerville

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18 septembre 2006

Debout sur les freins, la sainte-croissance est trop forte!

Pour ceux qui ont suivi les développements sur le NAIRU sur ce blog, le communiqué ci-dessous vous paraîtra très clair. Pour les autres je ne peux que leur conseiller de commencer leur lecture par le bas de cette page et de mieux cerner les tenants et aboutissants de la relation entre chômage et obsession de la lutte contre l'inflation du capitalisme financier moderne...

En clair, le "différentiel de production" (output gap) des économistes de la BCE montre que la croissance actuelle en Europe est trop forte (oui, trop forte...),en tout cas au-dessus de la "croissance potentielle", vous savez celle qui est estimée en laissant délibérément sur la touche un nombre officiel de chômeurs égal en gros au NAIRU! Donc faut serrer les freins, pour réduire cette croissance de l'activité et donc créer de nouveaux "chômeurs et assimilés"... Jean-Claude Trichet sait faire, ça, pour le bien commun de tous bien sûr... sauf celui des nouveaux chômeurs à venir (Rappel: un chômeur ne disparaît pas lorsqu'il est rayé des statistiques, hummainement parlant...).

"FRANCFORT (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) pense poursuivre les hausses de taux en 2007, peut-être jusqu'à plus de 4%, si son scénario de croissance tendancielle se concrétise et si le risque inflationniste empire, ont dit à Reuters des responsables monétaires de la zone euro.

L'une de ces sources, bien au fait des dossiers, a dit qu'il fallait s'attendre à ce que le taux de refinancement de la BCE, actuellement de 3%, atteigne "au moins" 4% d'ici la fin de l'année prochaine, pour autant que le scénario économique de base se vérifie.

"Je pense que l'on continuera à monter au-delà de 3,5%. Suivant le scénario de base, le différentiel de production sera comblé au début de 2008. Avant cela, à la fin 2007, les taux devraient être à 4% au moins", a dit cette source.

Jusqu'à présent, les responsables de la BCE se sont abstenu de toute déclaration officielle sur l'évolution de la politique monétaire, si ce n'est de ne pas contrarier l'hypothèse du marché d'une montée des taux à 3,5% d'ici la fin 2006."


Guillaume de Baskerville

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30 juin 2006

Aujourd'hui, c'est théâtre!

Eh oui, journée chargée aujourd'hui. Sur la scène, les pantins s'agitent devant la foule en liesse. Que voulez-vous, ce doit être un effet Coupe du Monde. La France s'est qualifiée pour le tour suivant et la chômage baisse de "manière historique" selon Borloo. Oui oui. Et en coulisses?

SUR LA SCENE...

Acte I: Jeudi, conférence de presse de notre premier ministre. A la question "quand considèrerez vous que la France sortira du chômage de masse?" posée par un journaliste (question fort pertinente il est vrai), Dominique de Villepin fournit une réponse fort intéressante elle aussi:


Villepin: la France sera sortie du chômage de masse quand le taux sera à 7%
Dominique de Villepin a estimé que la France sera sortie du chômage de masse quand le taux de demandeurs d'emplois se situera "autour de 7%" de la population active, mercredi lors de sa conférence de presse mensuelle.
Avec "un taux de chômage qui se situe autour de 7%, nous sommes assez proches d'une société qui crée de l'emploi et qui peut permettre, très rapidement compte-tenu de la rotation des emplois, de répondre aux exigences de chacun", a estimé le Premier ministre, en réponse à une question sur le niveau qui marquerait la fin du chômage de masse.
"Nous serons sortis du chômage de masse et du chômage de longue durée" lorsque le taux de chômage atteindra "5%" quand la conjoncture économique est bonne et "8%" quand elle est mauvaise, a complété le ministre de l'Emploi, Jean-Louis Borloo.


http://www.boursorama.com/international/detail_actu_intern.phtml?&news=3524856

En gros, notre premier ministre considère que 7% de chômage constitue la limite au delà de laquelle on pourrait parler de chômage de masse! En dessous ce serait donc du chômage... normal? Jean-Louis Borloo quant à lui nuance et fait varier la limite entre 5 et 8% selon la conjoncture. Vous avouerez que ça reste encore élevé! Quand on pense que lorsque j'étais jeune voire gamin, j'entendais que le chômage incompressible c'était à peu près celui que connaissait le Japon à l'époque, soit 2 ou 3 %...

Mais face à ces élans médiatiques, je ne peux pas ne pas vous rappeler quelques petits points qu'il ne faudrait surtout pas oublier. Surtout pas. Rappelons que ces statistiques sur le chômage sont incomplètes et bidouillées depuis des années à un point tel qu'une reconstitution sérieuse des données est nécessaire pour evaluer correctement ce qu'on entend par chômage de masse. Ca tombe bien, ce boulot là il a été fait et c'est disponible ici:

http://travail-chomage.site.voila.fr/index2.htm
et plus précisément sur cette page:
http://travail-chomage.site.voila.fr/chomage/chom_reel2005.htm

Pour 2,4 millions de chômeurs apparaissant dans les statistiques officielles médiatisées, on arrive à 5,8 millions chômeurs équivalent temps plein! Soit 20% de la population active! Car bien sûr, c'est facile de créer des "emplois", mais c'est quoi un emploi? Est-ce que travailler 20h par semaine au smic permet de vivre décemment? Actuellement, ceux qui travaillent à temps complet travaillent en moyenne 39h par semaine (pour une durée légale de 35 heures...), donc une personne qui travaille 23h01/semaine comme la moyenne des 4,3 millions de personnes travaillant à temps partiel (pour la plupart subi) est en quelque sort une "moitié" de chômeur (en arrondissant). Creusez les chiffres et vous verrez, ces statistiques sont du théâtre de Grand Guignol.
Du coup, 7% de chômeurs en statistique bidouillée, ça fait nettement nettement plus en situations réelles vécues! D'autant plus que la tendance est à la prolifération des contrats bidons, aidés, super courts et payés au lance-pierre. Et le taux de précarité de masse, Monsieur de Villepin, vous le situez à quel niveau?

Acte II: ce vendredi, Jean-Louis Borloo exulte: les chiffres bidouillés du chômage ont baissé de 2,16% sur le dernier mois. Les disparitions (évaporations) pour non présence à une convocation de l'ANPE sont elles en hausse de 10%, les radiations administratives de 8%... Qu'importe si le malade meurt, son électro-cardiogramme dit qu'il est en pleine forme. Alors...

DERRIERE LA SCENE, EN COULISSES...

Là, c'est pour les initiés, ceux qui y pigent quelque chose en économie, en finance, en bourse. C'est pas pour le pékin moyen. C'est un peu morne à écouter, bien moins coloré que la Coupe du Monde du Peuple, c'est rempli de gens qui parlent de milliards dans leurs beaux costards-cravates gris ou noirs, bref c'est sur la chaine financière Bloomberg TV (qui appartient à Michael Bloomberg, riche homme d'affaires, maire de new York également pour la petite histoire).

Et aujourd'hui Vendredi 29 Juin 2006, pendant que la scène bruissait des clameurs de la victoire prochaine (je parle de la disparition du "chômage de masse" bien sûr!), j'ai entendu des chuchotements bien différents en coulisses:

1) la stratégiste en chef de la Société Générale (Valérie Riches Flores) nous a expliqué que le taux de chômage aux USA était tombé trop bas et que ceci, couplé à des hausses salariales qui tendaient à se relever depuis un an, devait naturellement "pousser la FED (la Banque Centrale américaine) à augmenter ses taux pour faire remonter le taux de chômage et ainsi limiter les tensions inflationistes" (oui ce fut dit comme cela, promis juré!). Je rappelle que le taux de chômage officiel est d'environ 4,7% aux US actuellement, mais attention comptabilisation "version US": la couverture chômage est très faible -incite donc certains à ne pas s'inscrire-, 2 millions de personnes sont sorties de la population active car en prison (!), et surtout le "moins de chômage" s'accompagne d'une pression sur les salariés par le biais de la population des "travailleurs pauvres" qui ne sont pas des chômeurs mais dont l'effet de contrôle social par pression sur les salaires est bien réel...

2) le responsable de Lazard Frères Gestion (société de gestion fiancière) pour sa part a ensuite parlé -texto- du NAIRU en expliquant qu'en Europe cette fois, "la BCE était inquiète sur les menaces d'inflation car le taux de chômage en Europe (au sens du BIT) était désormais assez en dessous du NAIRU, le taux de chômage en dessous duquel les menaces d'inflation se manisfestent"... Ceci étant à relier à mon article sur le décryptage des préconisations de l'OCDE (voir mon billet du 28 Mai 2006)

Encore une fois, il suffit d'écouter les bons médias (entre autres ceux de la sphère financière) pour se rendre compte des évidences invisibles pour le grand public! Et ces exemples sont loin d'être isolés, il y en a des tonnes... Alors fantaisiste le NAIRU qu'il disait ce bon Edwy Plenel?

Ah les coulisses, comme c'est déprimant. Allez, rideau, "the show must go on". C'est tellement mieux d'y croire... ou de faire semblant?

Guillaume de Baskerville

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14 juin 2006

La présidente du MEDEF s'inquiète et s'emporte!

Il est difficile de relater ici tous les éléments qui s'articulent autour du principe du NAIRU, qu'ils viennent le conforter ou encore qu'ils s'expliquent à sa lumière. J'en prends désormais quelques uns au fur et à mesure qu'ils se présentent dans l'actualité...

Ainsi, après les déclarations de l'OCDE (voir mon article ci-dessous), nous allons examiner ce que vient de dire la présidente du MEDEF, saisissant au bond l'occasion donnée par une annonce du gouvernement de la suppression pour 2007 de 15 000 postes de fonctionnaires ( un départ à la retraite sur cinq non remplacé).

"Au lendemain de l'annonce par le gouvernement de la suppression de 15.000 postes dans la Fonction publique en 2007, la présidente du MEDEF Laurence Parisot [...] s'est par ailleurs étonnée que l'on parle de la suppression de 15.000 postes dans la Fonction publique sans se féliciter de la création, selon elle, de 400.000 emplois dans le secteur privé grâce au contrat nouvelles embauches (CNE). Elle a également affirmé que 600.000 postes seront à pourvoir chaque année entre 2006 et 2015 dans le secteur privé, en raison des départs à la retraite des baby-boomers. [...] "Il s'agit bien de départs en retraite qui ne sont pas à nouveau pourvus. Il n'y a aucune suppression d'emplois pour quiconque", a souligné la présidente du MEDEF. "Remettons les choses à leur juste proportion", a-t-elle lancé. "Peut-être qu'il y a 15.000 postes qui seront supprimés du côté de la Fonction publique, mais je tiens à faire ici une annonce, nous dans le secteur privé, nous avons 600.000 postes à pourvoir chaque année à partir de cette année et jusqu'à l'année 2015". Elle a aussi mis en parallèle les suppressions de postes dans la Fonction publique et les emplois créés par la CNE. "On est entrain de parler ce matin de 15.000 suppressions de postes, et on ne se dit pas, c'est extraordinaire, on a créé par ailleurs 400.000 emplois", grâce au CNE. "Je trouve qu'il y a là quelque chose de tout à fait anormal".

Un des problèmes que le capitalisme privé voit dans le secteur public, surtout en période de contraction démographique (du moins de la population active), c'est la concurrence (jugée déloyale) que ce dernier lui fait pour siphonner de la main d'oeuvre, attirée par la sécurité (désormais toute relative) de l'emploi dans ce secteur. Les déclarations récentes de Laurence Parisot sont claires de ce point de vue: "petits petits petits, venez dans mon nid". Pas simple en effet quand on sait que 80% des jeunes aspirent désormais semble t-il à devenir fonctionnaires, ces timorés!
Bien sûr vous pourriez me dire: "c'est bizarre une telle déclaration, y'a plein de chômage et de sous emploi!" Sauf que connaissant le NAIRU, vous n'osez plus faire une remarque aussi naïve... Car avant tout il ne faut surtout pas relâcher la pression sur les salariés! Donc plus y'a de gens qui viendront frapper à la porte des entreprises privées (et notamment des multinationales), plus on pourra continuer à pratiquer ce que j'appelle "l'eugénisme salarial". De ce point de vue, le CNE permet de bien faire dans "l'amélioration de la race salariée": surtout sur le point si crucial de la docilité... Il est juste dommage qu'il ne soit pas (encore) généralisé, ce CNE.

Mais, allant dans le même sens, le nouveau "CDD vieux" (18 mois renouvelable une fois) va contribuer à ce même objectif: que plus de candidats en situation de précarité relative frappent à la porte des recruteurs (avec des vélléités salariales en soldes de 40% si possible), pour compenser la baisse démographique tout en maintenant un coussin d'aiguilles bien pointues sur la tête de la classe salariée... Un moment évoquée, la menace de supprimer la dispense de recherche d'emploi (DRE) pour les salariés de plus de 55 ou 57 ans et demi a été enterrée... pour l'instant! Il faut dire que ce faisant, ces 500 000 "DRE" seraient réapparus dans les chiffres officiels du chômage, dont il ont été sortis au fur et à mesure pour des raisons "cosmético-électorales, Juppé en 97 en ayant ainsi effacé par exemple 350 000 des stats officielles médiatisées (mais il ne fut pas le seul). Ce faisant, le taux de chômage "officiel" serait remonté à 12%, pas bien à un an d'une présidentielle!

D'ailleurs, là encore, Laurence a applaudi des deux mains et des deux pieds:

"La présidente du Medef, Laurence Parisot, a salué la mise en place du plan seniors."Nous approuvons totalement l'ensemble des mesures" mises en oeuvre et leur "philosophie", a-t-elle dit lors d'une conférence de presse."On a tout intérêt à favoriser le travail des seniors", a ajouté la présidente de l'organisation patronale. "Le travail est quelque chose qui se multiplie et non qui se divise", a-t-elle souligné, en faisant valoir qu'un senior qui reste dans la vie active n'empêche pas un jeune d'y entrer. "C'est même le contraire", a-t-elle insisté.

Ben tiens... Pendant 15 ans, les grosses entreprises ont juste pleuré sur les pieds des gouvernements successifs pour pouvoir mettre en pré-retraite super précoce des cohortes de seniors en justifiant que ce n'était pas des suppressions de poste, car elles allaient embaucher en échange des tas de jeunes! Ah ces "jeunes", qu'est-ce qu'on n'a pas pour eux depuis 20 ans, tout en les prenant un peu pour des andouilles quand même (j'en ai fait partie!). De là à expliquer un certain désamour de la nouvelle génération pour le privé, il n'y a qu'un pas...
Remarquez, Laurence, elle a de quoi être inquiète car en plus de voir les jeunes tenter de fuire le privé, v'la t'y pas que c'est les salariés français en général qui, et de manière totalement incompréhensible bien sûr, souhaitent arrêter de "s'éclater" et de "s'épanouir" par le travail après 50 ou 55 ans:

L'âge idéal de départ à la retraite: entre 56 et 60 ans, selon près de quatre Français sur dix.

Pour 38% des Français, l'âge idéal de départ à la retraite se situe entre 56 et 60 ans, selon un sondage CSA/France Europe Express/France Info rendu public mardi. Invités à répondre à la question "si le choix ne dépendait que de vous, à quel âge partiriez vous à la retraite?", trois pour cent répondent moins de 50 ans, 38% entre 50 et 55 ans, 38% également entre 56 et 60 ans, 12% entre 61 et 65 ans, et trois pour cent plus de 65 ans. Six pour cent des personnes interrogées ne se prononcent pas. - Sondage réalisé par téléphone le 7 juin auprès d'un échantillon national représentatif de 961 personnes âgées de 18 ans et plus, constitué selon la méthode des quotas.

De vrais masochistes je vous dis, ces français. il s'éclatent tant au travail qu'autant de bonheur leur devient indécent et qu'ils préfèreraient ainsi s'infliger de manière précoce les affres de la retraite!

Au fait, pour terminer et en passant, regardez bien comment on fait pour présenter de manière tendancieuse un résultat de sondage qui dérange un peu l'hypothèse de base. Comparez le titre et le contenu de l'article: en fait il ressort que pour près de 8 français sur dix, l'âge idéal pour partir à la retraite est entre 50 et 60 ans, et pour 4 sur dix entre 50 et 55 ans!!!! Maintenant relisez, et vous verrez comment un titre peut vous mener grossièrement en bateau...

D'ailleurs, hier soir, dans France Europe Express sur France 3, qui a passé conjointement commande de ce sondage pour son émission consacrée à l'emploi des seniors, la présentation des résultats fut tout aussi maquillée (et je les attendais au tournant): un écran montra les deux catégories ensemble (50-55 et 56-60 ans) avec un seul chiffre à coté en gros: 38%! Et le commentaire fut d'une subtilité coupable: "38% des français préfèreraient partir dans l'une OU l'autre de ces deux tranches d'âge"! OU et non ET, c'est fin et faut saisir en 20 secondes! Mais que 38% des sondés déclarent vouloir partir entre 50-55 ans, et 80% entre 50 et 60 ans, ça faisait un peu désordre dans une émission visant à faire de la pédagogie libérale à destination des masses...

Courage Laurence, t'as du taf pour l'avenir: maintenir la pression coûte que coûte en dépit de vents un peu contraires. Le NAIRU et la précarité forcée t'y aideront il est vrai...

Guillaume de Baskerville

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28 mai 2006

La fantaisie continue!

Fantaisiste cette idée du NAIRU donc ? Il est vrai que le commun des mortels, c’est-à-dire le non initié aux arcanes de la langue économystique, a certainement un peu de mal à comprendre comment une politique économique pourrait délibérément « réguler » le taux de chômage à un niveau suffisant pour que d’autres objectifs considérés (mais non clairement avoués) comme « supérieurs » - et notamment l’inflation - soient atteints. Pourtant il suffit souvent de lire et de décrypter ce que ces économistes "fantaisistes" disent et recommandent au plus haut niveau.

Un exemple récent parmi tant d’autres va nous servir de fondement pour une petite analyse de texte.
La première dépêche AFP (du 23 MAI 2006) que je vous incite à lire est consultable ici, sur ce site bien connu des boursicoteurs :

http://www.boursorama.com/infos/actualites/detail_actu_taux.phtml?&news=3455926

Les conseilleurs sont bien entendu les économistes de l’OCDE, et les préconisations tournent autour de la « meilleure » politique à adopter dans les prochains mois en matière de politique monétaire. Il est bon de rappeler que en théorie, cette politique monétaire est supposée être menée de manière totalement « indépendante » par la Banque Centrale Européenne. On peut donc se demander en quoi des recommandations de l’OCDE sont utiles à cette institution supposée au dessus de toutes les influences… Mais ceci est une autre histoire.

Première chose intéressante, l’ensemble du communiqué laisse planer une crainte: « l’inflation » pourrait augmenter (et ce malgré l’escroquerie véritable que constitue l’utilisation d’indices aberrants, voir mon site
http://linflation.free.fr). En conséquence de quoi, il conviendrait de "resserrer" la politique monétaire, en remontant les taux d’intérêts et donc en restreignant la création monétaire, ce qui est justement la prérogative exorbitante que nous avons confié à la BCE en disant oui à Maastricht (et que l’on aurait encore réaffirmé en disant oui au réferendum sur la Constitution Européenne). En rendant l’argent plus cher, on freine l’économie, ce qui implique deux conséquences : atténuation des « pressions inflationnistes» et… hausse du chômage. Mais il faut lire entre les lignes et comprendre le langage codé des économistes pour le saisir… Lisons.

Pour l'OCDE, deux facteurs justifient un resserrement monétaire de la Banque centrale européenne: les "presssions persistantes des prix pétroliers" et les "signes de plus en plus nombreux d'un raffermissement de la reprise".

En clair la « reprise se raffermit », il est donc urgent de l’amollir! Après cela, je vous recommande d’écouter d’une oreille avertie et d’un neurone alerte les beaux discours de nos politiques et experts de tous poils qui n’ont de cesse d’expliquer que c’est le retour de la croissance qui va faire baisser le chômage !

La phrase suivante est sans doute la plus alambiquée mais la plus éclairante pour notre marotte commune, le NAIRU.

Cependant, l'OCDE souligne que "le rythme effectif de ce resserrement dépendra de la nette mise en évidence de la réduction de ressources non utilisées dans l'économie".

Relisez là, et la lumière sera. Car que sont les ressources non utilisées dans l’économie d’après vous ? La théorie économique dominante la plus basique nous explique que globalement il y a deux ingrédients pour créer de la « richesse économique» : du Capital (des machines, des usines, des investissements, bref des capacités de production) et du Travail. Or, sur ce dernier point, l’idée même du NAIRU est qu’une partie des ressources en main d’œuvre ne doit pas être utilisée afin de limiter les pressions à la hausse sur les salaires. C’est bien pour cela que le NAIRU est utilisé dans les équations d’estimation de la « croissance potentielle » : la « bonne croissance » est celle qui approche la croissance potentielle, c’est-à-dire celle qui est obtenue « en en gardant sous le pied » en quelque sorte, donc en excluant une part de la main d’œuvre supérieure au NAIRU. Car la « bonne croissance » est celle qui est non inflationniste… CQFD.

Donc la phrase ci-dessus devient limpide : le rythme du resserrement monétaire de la banque centrale sera d’autant plus important que les ressources non utilisées dans l’économie (et notamment le « stock » de chômeurs !) tendra à diminuer sous une limite jugée dangereuse (par les marchés financiers ?) : celle estimée par le NAIRU… Et au cas où ce ne serait pas assez clairement rentré dans l’esprit du lecteur, le communiqué le reformule à nouveau quelques lignes plus loin :

La "suppression de l'action de stimulation monétaire" doit donc "dépendre de la nette mise en évidence d'une réduction durable du volant de ressources non utilisées".

Claro ?

D’ailleurs la suite du communiqué appuie ce raisonnement : chiffres à l’appui, la menace se précise…

S'agissant de l'inflation, l'OCDE prévoit un taux de 1,6% cette année, après 1,7% en 2005, puis 2,0% en 2007. En matière de chômage, l'OCDE table sur un recul du taux, de 8,6% en 2005 à 8,2% cette année, puis 7,9% en 2007.

Bien sûr, la mise en rapport des deux séries de prévisions inflation/chômage dans deux phrases qui se suivent doit vous rappeler quelque chose, non ?

Cela peut paraître étrange encore une fois au néophyte, mais oui l’économie ça se pilote aussi par le haut ! Un peu comme une voiture en fait. Lisez cet autre communiqué de l’OCDE, publié le même jour mais concernant l’économie américaine, et appréciez le vocable employé :

http://www.boursorama.com/infos/actualites/detail_actu_taux.phtml?&news=3456053

Entre les coups d’accélérateurs et les coups de frein, les salariés-chômeurs potentiels ont intérêt à bien attacher leur ceinture !

Certains trouveront bien sûr encore à redire à ces argumentaires. Comme par l’exemple en avançant (à court de contre arguments ?) que tout cela, ce sont des discours « théoriques » et que les « choses réelles sont bien plus compliquées ». Ce à quoi je répondrai qu’il faudra alors quand même un jour virer tous ces gens (2000 à l’OCDE!) qui phosphorent de manière totalement « fantaisiste » pour pondre des théories et des recommandations qui seraient inutiles et d’ailleurs paraît-il inutilisées…

Car comme je l’écrivais il y a quelques mois, on peut raisonnablement se demander si le nombre de chômeurs et de pauvres sur cette planète ne serait pas, par pur hasard, directement proportionnel au nombre d’experts économistes qui travaillent parait-il à la maximisation de notre bonheur !

Guillaume de Baskerville

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19 mai 2006

La fantaisie du NAIRU...

Un récent message déposé sur ce blog par un visiteur (cliquer sur "comment" sous l'article du 11 mai 2006) m'a inspiré quelques réflexions. Eric, qui a laissé ce message, y explique qu'ayant récemment discuté avec l'ancien rédacteur en chef du Monde, Edwy Plenel, il eu l'idée d'évoquer ce concept selon lequel un taux de chômage minimum serait nécessaire pour faire fonctionner le système. Ce à quoi Edwy Plenel a répondu que l'idée était complètement fantaisiste...

Fantaisiste? La réponse ne manque pas de sel lorsque l'on admet que le NAIRU est employé à foison depuis 30 ans au sein d'organismes (Sénat, OCDE, BCE, et d'autres) qui n'ont rien de bolcheviks, vous l'admettrez. Car il est vrai que le NAIRU est en quelque sorte une résurgence de la vieille "armée de réserve" de travailleurs désoeuvrés qu'évoquait déjà Marx à son époque. Mais c'est tout de même plus crédible quand c'est l'OCDE ou le Sénat qui l'utilisent...

Mais là où la réponse de l'ancien "rédac chef" du monde devient franchement cocasse, c'est que ce bon Edwy est connu pour être... un ancien Trotskiste! Alors faut croire que "l'armée de réserve" de Marx, il en a jamais entendu parler. Ou bien alors, qu'il est parti avant d'en avoir eu l'occasion. Ou alors? Oui c'est ça: une perte de mémoire!

Encore une fois, je veux bien que l'on dise que tout cela est fantaisiste, mais le problème EST que ce truc fantaisiste est ultraprésent dans des institutions qui n'ont à priori rien de fantaisistes elles! Alors, le mystère s'épaissit: pourquoi DIABLE des organismes sérieux et pas franchement réputés pour leur gauchisme héréditaire (je répète: Sénat, OCDE, BCE et milieux financiers et boursiers) continuent ils à payer des économistes pour phosphorer et développer des modèles qui intégrent un truc aussi fantaisiste? Quand on sait que la croissance potentielle est calculée à partir des NAIRUs estimés et que cette croissance potentielle est citée un peu partout dans les discours économiques actuels, y compris ceux de nos ministres, alors on peut raisonnablement se demander quelle est la définition de "fantaisiste" chez Edwy Plenel. Un de ses prochains bouquins nous éclairera sans doute sur cette énigme...
J'en profite pour narrer ici un épisode récent qui mérite d'être cité. Participant à une réunion d'une association de chômeurs, un militant socialiste vint me voir à la fin et me dit: "c'est marrant que vous parliez du NAIRU, moi j'en ai entendu parler pour la première fois il y a deux ans". Je lui demande à quelle occasion, et il me dit que c'était lors d'une formation à l'économie au siège du PS, rue de Solférino, dispensée par un certain... Dominique Strauss-Kahn (qui est professeur d'économie à Sciences Po comme chacun sait). Il m'explique que ce concept l'avait alors surpris voire même choqué, mais que dans la bouche de Strauss Kahn, cela semblait aussi naturel que l'air que l'on respire...
Il faut croire que Sciences Po embauche des professeurs qui enseignent des concepts décidément très fantaisistes.
La conclusion d'Eric dans son message est ma foi fort lucide: "je ne serai pas surpris qu'on obtienne le même résultat en discutant avec n'importe quel responsable d'un grand journal". Je crains que ce ne soit effectivement le cas. Mais il est vrai que nos grands médias nous démontrent chaque jour que dieu fait que ce sont des gens forts sérieux. Eux.
Pour finir, je vous offre un document dans lequel de petits fantaisistes de l'OCDE s'échignent à se triturer la cervelle sur cette fantaise qu'est le NAIRU. Et page 212 de ce document, vous y verrez de belles courbes fantaisistes montrant comment depuis 25 ans les taux de chômage mesurés en Europe ont eu une tendance tout à fait fantaisiste à rester au dessus de ce fantaisiste NAIRU.
http://www.oecd.org/dataoecd/27/47/1959078.pdf
Mais je crois qu'il serait vraiment opportun vous cessiez de perdre votre temps à lire de telles bêtises sur un site aussi fantaisiste...

11 mai 2006

5 millions de chômeurs en France entre la poire et le fromage...

Pincez-moi, je rêve? Voilà que des hommes politiques de premier plan, dans une émission politique de grande écoute, en viennent à reconnaître comme si de rien n'était qu'il y aurait 5 millions de chômeurs en France!

C'était à "A vous de juger" , sur France 2, le Jeudi 27 Avril 2006, et le lien ci-dessous commente ce (discret) évènement. Bien sûr, les plus avertis sur le sujet (et sur les bidouillages statistiques autour du chômage) le savaient et le disaient depuis longtemps, mais ils criaient un peu dans le désert. Eh bien là, voilà, c'est dit. Mensonge avoué est à demi pardonné? Ben tiens! Bon, de toute façon, les "chiffres officiels" du chômage dans les JT des jours qui suivirent continuèrent dans l'orthodoxie la plus parfaite: 2,2 millions, en baisse! Ben tiens bis!
Et puis le 3 Mai, ce devait être entre 8h45 et 9h, j'ai entendu sur France Inter, une interview de Philippe de Villiers qui lui aussi a parlé de 5 millions de chômeurs en France! Pierre Weil qui l'interrogeait a tiqué et de Villiers a répété, et ensuite il a enchaîné avec d'autres chiffres sur l'immigration, comme de bien entendu.
Mais la question que l'on peut raisonnablement se poser (et qui rejoint mon précédent article), c'est: pourquoi donc cette soudaine et apparente lucidité sur une réalité masquée depuis tant d'années?
En clair, le chômage massif ne serait-il pas (et de nouveau) instrumentalisé par à peu près tous ceux qui parlent dans le poste actuellement en période pré-électorale pour justifier la nécessité de toutes les réformes possibles et imaginables? Car il faut le dire, le chômage à bon dos. Est-ce pour cela que les chômeurs en ont d'ailleurs plein le dos, eux?

Moi je dis que bientôt, y vont p'têt même glisser comme ça, entre poire et fromage, que oui le chômage est voulu, utile et planifié depuis 25 ans. Et comme le 1er Avril est déjà passé, on pourra même se dire que si ça se trouve, c'est vrai...
Mince, dites donc, et si le NAIRU, c'était vrai?

A vous de juger, donc...

http://www.actuchomage.org/modules.php?op=modload&name=News&file=article&sid=1797

Guillaume de Baskerville

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06 avril 2006

Ah, le chômage! Que ne ferait-on pas pour (et surtout grâce à) lui!

A ceux qui auraient (encore) des doutes sur la thèse défendue sur ces sites je dis:
"Ecoutez, Ecoutez, ce qu'ils disent!"
Car si le chômage de masse n'existait pas, comment diable pourraient-ils justifier des régressions aussi notables que les CPE/CNE? La "lutte contre le chômage" et la "bataille pour l'emploi" ont ma foi fort bon dos!
Si le chômage n'existait pas, il faudrait vraiment l'inventer... car le mauvais a toujours besoin du pire pour prospérer.
Pour aller plus loin, lisez l'article que j'ai écrit sur le forum d'Actuchomage,
"Il y eut le Remède de Cheval du chômage, il y aura l’Homéopathie par la précarité diffuse et généralisée…"
http://www.actuchomage.org/index.php?name=PNphpBB2&file=viewtopic&t=2413
et pendant que vous y êtes, lisez aussi ceci
(note: et encore, le Japon a toujours placé au plus haut niveau le fait d'accorder un travail à tous. Mais le Japon devient une nation "Moderne"...)
http://www.actuchomage.org/modules.php?op=modload&name=News&file=article&sid=1735
Enfin, A LIRE ABSOLUMENT:
Livre d'une conseillère ANPE, Fabienne BRUTUS, qui dénonce le système de l'intérieur (et entre autres les bidouillages des statistiques officielles du chômage)
"CHÔMAGE, DES SECRETS BIEN GARDES" (Ed. Gawsevitch).

14 janvier 2006

Nouveaux sites!

Je vais être absent jusque fin Février, mais avant de partir, je vous laisse de quoi lire et continuer à construire votre réflexion en indiquant deux sites frères du Blog et que j'ai construits ces dernières semaines:

http://lenairu.free.fr

http://linflation.free.fr

Vous pouvez toujours laisser vos commentaires, demandes, ajouts, sur le blog (en cliquant sur "comment"en dessous de chaque article), ou par mail: jl.duh@free.fr

A mon retour, interro écrite : o)


22 décembre 2005

"Le système actuel d'assurance chômage n'est pas profilé pour 10% de chômeurs"

Ceci est une déclaration de Jacques Voisin (président de la CFTC) lors d'une interview par Pierre-Luc Séguillon entendue aujourd'hui sur LCI. Elle est une illustration parfaite de la rhétorique actuelle employée pour justifier les réformes soi-disant "indispensables pour sauver l'indemnisation chômage d'un naufrage", comme on l'entend régulièrement à mesure que certains avancent ces derniers temps une nouvelle Peur récurrente à fort pouvoir docilisant, celle des gros chiffres de déficits. Mais le "naufrage" est aussi largement martelé à nos oreilles qu'il a été consciencieusement préparé...
La grille de lecture de la réalité du chômage procurée par le NAIRU transforme bien sûr ce genre de propos en hypocrisie manifeste difficilement supportable à entendre. Comment dire qu'un système n'est pas profilé pour 10% de chômeurs ALORS QUE les NAIRUs employés pour la France depuis près de 20 ans ont toujours été supérieurs à 10%? Comment expliquer que d'un côté, 10% de chômeurs voire plus ont été considérés comme le prix à payer (et plus même, comme on le sait, comme un instrument) pour combattre l'inflation et surtout mettre au pas le monde salarial, mais que d'un autre ces mêmes 10% seraient désormais présentés comme un chiffre "bien au-dessus des moyens" (pour reprendre une expression très en vogue) d'un système de couverture qui n'a fait qu'amortir le choc social et humain de ces choix monstrueux en achetant la paix sociale? Comment expliquer également selon ces déclarations actuelles qu'au plus haut historique des chiffres (officiels) du chômage, (près de 13% vers 1997), le système de l'époque dégageait des EXCEDENTS considérables de l'ordre de 7 milliards de francs? Si je ne me trompe, depuis lors, les chômeurs indemnisés ont diminué en nombre, leur durée d'indemnisation a considérablement baissé, la richesse collective a continué de croître (par la Sainte Croissance), sans parler des bénéfices des multinationales et des profits financiers qui ont explosé...
Alors, comment ne pas considérer qu'une telle déclaration, et toutes celles qui sont de la même veine, ne sont qu'une gigantesque farce dont les dindons sont tout autant les chômeurs actuels (dont aucune représentation n'est autorisée à participer aux négociations UNEDIC, il faut le rappeler) que les salariés qui sont la cible de la Peur sensée les dompter? Plus le système d'indemnisation sera défavorable au chômeur, plus le salarié sera tenu de rentrer la tête dans les épaules et de faire le dos rond face aux pressions qu'il subira. Ses non choix futurs sont indissociablement liés au sort du chômeur d'aujourd'hui.
La philosophie sous-jacente du NAIRU ne dit rien d'autre que cela. Mais au moins, elle le dit de la manière la plus claire qui soit...

15 décembre 2005

Le chantage à l'emploi par les délocalisations est la déclinaison micro-économique du NAIRU au niveau macro-économique...

Je rebondis sur l'actualité pour illustrer ce point. Partout dans les médias aujourd'hui, on fait écho à cette information: Bosch France annonce ce mercredi que la société envisage de négocier un retour aux 40 heures par semaine afin de "maintenir l'emploi industriel" des 10.000 salariés français du groupe. Nouvel épisode du film, puisqu'en juillet 2004, les salariés de l'usine Bosch de Vénissieux avaient validé un accord sur le passage à 36 heures payées 35 sous la menace d'une délocalisation. Une brèche étant ouverte, pourquoi ne pas l'agrandir?
Imaginez une telle annonce dans un contexte de "plein emploi" ! Inimaginable. Le NAIRU crée bien les conditions opérationnelles pour que de telles mesures soient désormais envisagées. La mobilité des capitaux et les possibilités offertes aux grands groupes pour délocaliser renforcent évidemment le cocktail.
Le cas Bosch, comme celui de Hewlett Packard et d'autres moins opportunément médiatisés, illustre une vérité que les salariés, AINSI QUE LES SYNDICATS (qui historiquement, et à l'exception de quelques timides initiatives, comme la création assez récente de la CGT chômeurs, ne se sont jamais engagés dans une représentation des chômeurs) feraient bien de méditer: la problématique du chômage les concerne tout autant, sinon plus, que les chômeurs. Faire le gros dos et se replier dans une attitude individualiste de "Lutte des places" (pour reprendre le titre du livre de Vincent de Gaulejac) n'est sans doute pas la meilleure stratégie. L'attitude de déni consistant à donner crédit aux thèses manipulatrices actuelles selon lesquelles les chômeurs seraient des profiteurs fainéants (ce que "Moi, salarié en poste, bien sûr, je ne suis pas; car Moi, je me bouge, Moi ça ne peut pas m'arriver, je ne fais pas partie de cette catégorie là... je vais bien tout va bien... répète après moi") consiste à se tirer une balle dans le pied, aujourd'hui, demain ou après-demain. Car la menace du chômage amène le chantage à l'emploi qui lui n'a qu'un objectif: viser les intérêts du salariés.
Le chômage et la précarité, ainsi que la Peur fort médiatisée qu'ils inspirent, sont un extraordinaire instrument de pression pour obtenir une docilité contrainte du salarié. Ne pas le voir est un aveuglement regrettable. Le comprendre au travers du NAIRU est un premier pas pour recouvrer la vue...
MISE A JOUR DU 28 DECEMBRE:
Les exemples s'accumulent, mélangeant peur du chômage et menaces de délocalisation (le cocktail du moment). Le dernier en date, habilement médiatisé de nouveau (entre autres sur LCI: encore une fois, pour quel but peut-on se demander, si ce n'est brandir l'exemple comme une menace? A bon entendeur?): l'usine Fenwick de Cenon sur Vienne, où ce sont désormais 17 jours de RTT qui seront repris par la direction sous menace de délocalisation. Lors du reportage, on y voyait des délégués CGT expliquant qu'une centaine de salariés (sur 550) avaient fait pression pour que le syndicat (majoritaire) signe l'accord proposé par la direction, et que certains syndicalistes avaient même reçu... des menaces de mort, manifestement de certains salariés ayant peur de perdre leur emploi!
Encore une fois pourrait-on envisager une telle situation (des salariés menaçant leurs représentants) hors d'une situation de chômage de masse ou celui-ci finit par être considéré comme le "mal absolu", "l'enfer" à éviter par tous les moyens, y compris ceux là?

07 décembre 2005

Le NAIRU est au coeur des politiques économiques et monétaires...

Lorsque j’explique le NAIRU à des personnes autour de moi, j’observe en général deux types de réactions. Il y a ceux qui disent : « C’est pas possible, je n’y crois pas, tu délires, ça ne peut pas exister ». En général, ces personnes là sont les plus faciles à convaincre. Car bien souvent, elles reviennent me dire, un peu plus tard, et après avoir fait quelques recherches sur le Web : « T’avais raison, j’ai vérifié. C’est fou, on en a jamais entendu parler de ce truc là ». Pour tout dire, c’est exactement la réaction qui fut la mienne il y a quatre ans, lorsque j’ai croisé pour la première fois, par hasard, le chemin de la fameuse bête. Le NAIRU est tellement éloigné de nos représentations courantes (construites culturellement bien sûr) qu’il est même difficile de le concevoir. Alors évidemmment, ces réactions là, je les comprends bien.

Et puis il y a ceux qui me répondent : « Le chômage voulu et maintenu délibérément car utile pour faire pression ? Ben oui, c’est évident ! » Je dois dire que ces réponses là sont celles qui m’ont le plus décontenancé au départ. Très vite, cependant, j’ai constaté qu’il s’agissait souvent là d’une opinion, voire d’une intuition, mais qu’en général, quand j’essayais de voir ce que la personne en question avait à dire sur le sujet, l’argumentaire était souvent peu étayé. En gros, le fait que malgré tous les discours (forts nombreux depuis trente ans) sur la supposée lutte contre le chômage rien ne s’améliore (bien au contraire), cette situation a quand même contribué à développer (à juste titre d’ailleurs) des suspicions chez une partie de nos concitoyens. D’autre part, il faut avouer que le chantage à l’emploi est parfois tellement patent que beaucoup en sont venus à bien percevoir que le chômage et la précarité n’ont pas que des inconvénients pour tous…

Le problème est que pour aller plus loin, les argumentaires et les preuves concrètes manquent. Très vite, la discussion peut tourner à l’échange du café du commerce. Non que celui-ci soit dénué d’intérêt. Mais il s’agit alors d’un débat d’opinions qui se dilue très vite dans les généralités. En revanche, convaincre d’autres personnes dans ce cas est quasiment impossible, en l’absence d’éléments patents.

Mais…

… le NAIRU, ce sont les institutions économiques et politiques à tendance libérale qui en parlent le mieux, alors il suffit de guider les pas du novice dans la jungle économystique souvent impénétrable dans laquelle le NAIRU, cet animal étrange, prolifère, à l’abri des regards indiscret !

Un des points que l’on me demande souvent d’éclaircir est le suivant : comment donc le NAIRU peut-il avoir un impact réel sur l’économie et finalement sur la vie quotidienne et la destinée de tel salarié ou de tel chômeur ? Comment le local, voire le privé, peuvent-ils être à ce point influencés par le global ? Là encore, cette difficulté de compréhension m’est familière, pour l’avoir ressentie moi-même (et continuer parfois à m’y confronter , je l’avoue). Face au NAIRU et à mes « élucubrations », j’ai parfois entendu ce genre d’incompréhensions : « vous croyez vraiment que l’entrepreneur du coin a les moyens de comploter pour maintenir le chômage à un niveau élevé ? ». Ma réponse est évidente : bien sûr que non, mais ce n’est pas à ce niveau et de cette manière que tout cela se joue.

La société moderne est organisée selon des choix qui relèvent de l’Economie de Marché, nouveau petit nom du Capitalisme dont le nom ne faisait plus très sexy. En disant Economie de Marché, on fait mine de remplacer sur le piédestal le capitaliste (celui qui détient les capitaux) par le consommateur proclamé Roi (mais le Roi n’est-il pas mort ?). Et en y ajoutant tout un tas d’adjectifs à connotation sympathique, on « euphémise » encore plus : l’Economie de Marché ou la Croissance deviennent ainsi « sociales » dans la bouche de ceux que l’on entend tous les jours dans les médias, ou dans des textes aussi importants que le projet de Constitution européenne. Des fois qu’on ait pu un instant en douter... Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement dit-on, à moins que ce ne soit l’inverse : ce qui s’énonce clairement et lourdement finit-il par se concevoir un peu mieux?

Toujours est-il que si le Capitalisme, puisqu’il faut appeler un chat un chat, est un principe général d’organisation économique de la société, comme l’ont été ou peuvent encore l’être certaines religions, son « Eglise » elle, c’est-à-dire son institution pratique de mise en œuvre (prise globalement), exerce des choix qui sont bien plus discriminants. Certains sont plus capitalistes que d’autres, et en outre, certains de ces capitalistes sont plus favorisés par les choix politiques de l’église économique dominante actuelle que d’autres. Entre le propriétaire du bar du coin et le fond de pension qui intervient sur les marchés financiers mondiaux, les deux sont quelque part un peu « patrons », mais les deux n’ont sans doute pas les mêmes aptitudes à influencer les règles du jeu de l’église dominante. La distinction patrons/salariés n’est plus opérante pour discriminer la société. Certains managers salariés dirigeant les grands groupes sont dans des sphères d’influence infiniment plus puissantes que bon nombre de « patrons » qui rament dans une économie calibrée autant à leur intention qu’elle ne l’est à l’égard des chômeurs ou des précaires.
Tous les discours sur les vertus de la « petite entreprise locale » ne sont que poudre aux yeux pour faire diversion et accessoirement justifier par une démagogie de circonstance de nouvelles « réformes » plus radicales encore. Dont les principaux bénéficiaires ne seront ni les TPE, ni les indépendants, ni les salariés en général, ni les chômeurs, ni les précaires, mais une caste hyper concentrée d’intérêts formant réseau et calibrant l’économie moderne, en en imposant les règles du jeu en fonction des ses attentes. Les grands banquiers (y compris les banquiers centraux supposés indépendants), les multinationales, les grandes compagnies d’assurances, la plupart des grands médias privés, font indiscutablement partie de ces réseaux… La liste n’est pas exhaustive. Il faudrait aussi mentionner la plupart des économistes orthodoxes actuels, ainsi que moult experts causant dans le poste, dont la principale fonction est d’écrire les sermons destinés au bon peuple et de labelliser comme Sainte (mais on dit plutôt aujourd’hui scientifique et rationnelle, donc naturelle) la Parole de ces nouveaux Evangiles.

Le prochain article rentrera un peu plus en détail dans les rouages de la macroéconomie et des politiques monétaires actuelles. Bien que nous apparaissant fort lointaines et il faut le dire assez opaques à la compréhension, on y verra comment et en quoi celles-ci peuvent finir par influencer, souvent à notre insu, notre quotidien. Or, manifestement, le NAIRU y figure en bonne place…

25 novembre 2005

Le NAIRU n'est pas qu'un concept innocent...

Le NAIRU tue également.
"L'offensive du froid fait une victime - Un homme de 38 ans, sans domicile fixe, a été retrouvé mort frigorifié à la Grande Resie près de Gray (Haute-Saône) jeudi matin dans sa voiture. L'homme, sans emploi, avait été expulsé de son logement depuis quelques semaines et vivait dans son véhicule avec toutes ses affaires."
Cet homme, cet anonyme, sera mort en ayant l'insigne honneur médiatique d'être la "première victime du froid" de cet hiver.
Victime du froid? Quelle escroquerie! Le froid sera t-il jugé et condamné par la société? De qui et de quoi cet homme est-il la victime? Nous savons désormais que le chômage n'est pas un Fléau naturel comme le serait le froid... Cet homme sera la première victime, cet hiver, de choix économiques délibérés, coupables et donc CRIMINELS. Derrière les chiffres, les sigles, les codes, les jargons statistiques, il y a des êtres humains. Manipuler les premiers, faire des calculs, des recommandations, estimer et utiliser le NAIRU quotidiennement signifie aussi contribuer à TUER DES PERSONNES. Pendant la période nazie, gérer le départ des trains vers les camps n'était pas un simple et banal travail administratif: c'était une participation active à un crime... Eichmann n'était pas un responsable logistique, c'était un criminel! Là est la vraie culpabilité.
A quoi sert cette rengaine médiatique sur les "victimes du froid", les pauvres, les précaires, les RMistes, les chômeurs? LCI ne se contente pas ce jour de citer ce cas, LCI en rajoute: "Cet homme n'est pas le seul, "ils" sont de plus en plus nombreux à vivre dans leur voiture". Et on enchaine sur un reportage montrant deux de ces "AVF", "Avec Véhicule Fixe", stationnant au pied des tours de La Défense.
On montre, mais que démontre t-on? Aucune analyse des causes réelles, on montre du pauvre, du précaire. Point. Et en période de Noël, on glissera entre les "dernières tendances conso et shopping" pour les cadeaux un peu de "solidarité" et de compassion pour les "nouveaux gueux". Comme chaque année. Et puis? Entendra t-on une seule personnalité politique "taper du poing sur la table" face à cette première "victime du froid" qui n'est autre que la nième victime des politiques économiques aberrantes fondées sur le dogme du chômage utile et nécessaire à la cause supérieure de la soi-disant lutte contre l'inflation?
Finalement, montrer ainsi ces victimes, comme une litanie, sans dénoncer, sans critiquer, sans débattre des causes réelles, n'est-ce pas rendre ces choses-là "naturelles", anodines, normales? Milton Friedman n'y trouverait rien à redire il est vrai...
Mais surtout, n'est-ce pas, à doses régulières, inoculer la PEUR à l'ensemble de la population? Vous voyez, ça peut AUSSI VOUS arriver, est-il ainsi dit de manière quasi-subliminale.
En cette période de Noël, la menace du chômage n'est-elle pas le Père Fouettard des salariés pas assez sages?

17 novembre 2005

NAIRU et Constitution européenne...

En comparaison avec la Constitution française, le Traité Constitutionnel Européen, rejeté par 55% des français le 29 Mai 2005, dit des choses bien différentes mais non moins intéressantes, surtout si on les examine par le petit bout de la lorgnette du NAIRU.

Sur le thème de l’emploi et du chômage, les discours pré-référendaires répétèrent combien ce texte était un progrès car, entendait-on, il inscrivait pour la première fois le « plein emploi » comme un objectif de l’Union. La réalité est malheureusement un brin différente, bien que remarquablement cohérente pour un initié du NAIRU.

Alors, que dit-il, ce texte ? Un des articles les plus importants du TCE est l’Article I-3 qui précise les objectifs de l’Union. Son alinéa 3 mérite qu’on s’y arrête :

« L’Union œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive qui tend au plein emploi et au progrès social […] »

Voilà qui est intéressant. Croissance équilibrée, stabilité des prix, tend au plein emploi, une forte odeur de NAIRU flotte autour de cette phrase. Croissance équilibrée ? Mais équilibrée entre quoi et quoi ? Ca sonne bien l’équilibre, ça fleure bon la modération et la force tranquille, mais encore ?

Allez, je vous aide. Une des traductions française du NAIRU est… le « taux de chômage d’équilibre » ! Le taux de chômage d’équilibre est en effet le taux de chômage (minimum) qui stabilise l’inflation. C’est donc le NAIRU version frenchie! Vous commencez à saisir le sens de cette croissance équilibrée ? En réalité, il s’agit bien là d’un terme d’économiste moderne pour désigner la croissance « soutenable » (encore appelée « croissance potentielle »), c’est-à-dire, selon la mono-manie économystique actuelle, celle… qui ne génère pas de tensions inflationnistes ! On y revient toujours. Dit encore autrement, une croissance équilibrée est une croissance qui prend pour point de départ la valeur estimée du NAIRU, et qui va faire en sorte de ne pas être trop forte pour ne pas faire baisser le taux de chômage effectif sous celui-ci, car alors, l’objectif prioritaire de l’inflation risquerait de ne pas être tenu !

Du coup, on comprend mieux le sens de cet article du TCE : dans le cadre de l’objectif PRIORITAIRE de « stabilité des prix », l’Union vise une « croissance équilibrée ». Dès lors, le fameux plein emploi sert bien sûr de pot de fleur décoratif (mais repris par certains partisans du Oui, naïfs ou cyniques, c’est selon), puisqu’en réalité, et au mieux, on ne peut que tendre vers un plein emploi dont le niveau n’est d’ailleurs jamais numériquement défini sous la forme d’un objectif précis. Et comment pourrait-il l’être dans une telle approche, puisqu’il n’est, au travers du NAIRU, qu’un résidu d’une politique elle clairement définie, et dont l’objectif unique est: maintenir coûte que coûte une hausse de l’indice des prix à la consommation proche de 2%, déclinaison opérationnelle douteuse par ailleurs de la stabilité des prix version Banque Centrale Européenne (BCE).

Dit encore autrement, le plein emploi ne saurait être un objectif chiffré, puisque le « chômage d’équilibre » est lui un outil pour atteindre l’objectif d’inflation, qui écrase tout le reste ! Ce qui explique que Jean-Claude Trichet, Président de la BCE, ait encore récemment éloigné d’un revers de manche toute idée qu’un quelconque objectif d’emploi lui soit assigné, puisque inflation comes first (seule compte l’inflation).

Vous me direz que j’exagère en avançant que la lutte contre l’inflation domine tout le reste, et je vous répondrai qu’il n’y a qu’à lire : tout est écrit dans Traité et dans les textes fondateurs qui définissent les statuts de la BCE.

Notons que s’il avait été ratifié par le peuple français et néerlandais, et par les autres pays européens, cette « Constitution » aurait été la première au monde à évoquer 168 fois le terme Banque centrale ! Le chômage lui n’y figure jamais, la « stabilité des prix » s’y écrit 10 fois…

Par ailleurs, l’article I-30 du TCE le rappelle sans détours :
" […] Le Système européen de Banques Centrales est dirigé par les organes de décision de la Banque Centrale Européenne. L’objectif principal du Système européen de Banques Centrales est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de cet objectif, il apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union pour contribuer à la réalisation des objectifs de celle-ci. "

Ceci est clair : lutte contre l’inflation d’abord, le reste vient après, et ce « sans préjudice de cet objectif !

Ce qui est tout à fait stupéfiant quand on examine ce Traité de près, c’est qu’il rentre sur ce point de l’emploi en collision frontale manifeste avec notre Constitution française. Exit le droit d’obtenir un emploi de notre article 5, la formulation retenue dans le TCE est bien plus mielleuse et ambiguë :

Art II-75 – Liberté professionnelle et droit de travailler
alinéa 1 :
Toute personne a le droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée.

Première remarque : exit « le devoir de travailler » de notre Constitution française (il faudra le rappeler aux moralisateurs actuels). Mais on comprend l’astuce : un devoir impliquait un droit, celui d’obtenir un emploi. Le « droit de travailler » a bien failli supplanter, si le texte n’avait pas été rejeté, le « droit d’obtenir un emploi », bien plus explicite. Mais en outre cette formulation joue sur les mots, puisque la « profession » (terme fort noble au demeurant…) peut être librement choisie -ce qui dans le contexte actuel apparaît de plus en plus comme un grand luxe- ou … acceptée !

Bien sûr, l’ajout de cet adjectif est la cerise qui fait s’écrouler toute la pièce montée. Car accepter n’est pas choisir : accepter est bien moins que choisir. Juste un exemple. En Avril 2005, peu avant le référendum, on se rappelle de l’affaire SEM-Suhner à Schirmeck, en Alsace, dans laquelle cette PME annonça un plan social qui prévoyait pour les salariés une proposition de reclassement en Roumanie à 110 euros par mois. Le Pdg avait alors précisé : « Les personnes concernées sont libres d’accepter ou non ». Ce qui est exact, mais ce qui montre également combien dans certaines situations, la liberté d’accepter ou non un emploi peut plus tenir du chantage que du choix réel. Et en situation de forte pression sur les salariés, par le chômage et la précarité instaurés par le NAIRU, l’acceptation même supposée libre est loin d’être un gage de respect des aspirations ou des choix des travailleurs. Dans le même ordre d’idées, les chômeurs français, à la suite de leurs homologues allemands ou espagnols, sont ainsi eux aussi désormais « libres » d’accepter ou de refuser les emplois ou sous–emplois qu’on leur proposera. Simplement, à chaque refus, ils seront financièrement pénalisés, et au troisième ils seront radiés. Mais ils demeurent juridiquement réputés libres…

Pour tout dire, il y a derrière cette formulation "librement choisie ou acceptée" quelque chose qui ressemble furieusement à cette déclaration d’un célèbre économiste ultra-libéral, Robert LUCAS, qui en 1978 expliquait tranquillement, dans l’American Economic Review :
« Il y a un élément volontaire dans tout chômage, en ce sens que, aussi misérables que soient les possibilités courantes de travail, on peut toujours choisir de les accepter ».

Au moins, la ligne est tracée. A elle seule, cette phrase résume toute la vision de ce courant de pensée économique à l’œuvre derrière, notamment, les institutions européennes actuelles. Que le peuple n’y adhère qu’à reculons est un archaïsme, une rigidité que la pression du NAIRU saura faire sauter. De gré ou de force. Tel est bien le sens de ces quelques articles, examinés ici, de ce qui a failli devenir notre Constitution, et pour longtemps ! Et l’on voit bien comment le « chômage made by NAIRU », alors qu’il rentre manifestement en contradiction avec notre Constitution nationale, se serait parfaitement fondu dans le paysage économique et politique dessiné par ce nouveau texte. C’est pourquoi son rejet actuel, sans doute temporaire, ne doit pas nous inciter à ne plus nous en préoccuper…

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