11 décembre 2006

"Y'a quelqu'un que ça arrange là dedans..."

...Eh oui, cet ex-directeur général de Coca-Cola et désormais directeur de la SERALEP, à Saint Vallier, arrive à une conclusion bien similaire à laquelle je suis arrivé moi-même il y a quelques années. Comme il le dit en une phrase:
"Je pense que ces 10% de chômeurs qui existent depuis 20 ans, ils doivent intéresser quelqu’un… Y’a quelqu’un que ça arrange là-dedans !"
Flash back. Je reçois il y a deux jours sur ce blog un message d'un lecteur, Fredo, qui m'explique qu'il faut absolument que j'écoute l'Emission de Daniel Mermet, Là bas si j'y suis, diffusée le 29 Novembre 2006, intitulée "Les Patrons contre la Finance". Et particulièrement (mais le cycle des trois émissions vaut le coup d'être écouté en entier!), la 46' minute de cette émission là:
http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=1046
Je mets ci-dessous en intégralité le passage concerné, que j'ai retranscrit par écrit. François Ruffin, journaliste, pose donc des questions à ce directeur d'usine quant à sa vision des "licenciements boursiers" et de la situation de l'emploi en général dans ce contexte.
François RUFFIN : Vous pensez qu’il y a quasiment une concurrence à celui qui fera de plus en plus de licenciements aujourd’hui?

Dominique ARTHAUD: Je pense que ces 10% de chômeurs qui existent depuis 20 ans, ils doivent intéresser quelqu’un… Y’a quelqu’un que ça arrange là-dedans ! Y’a des gens qui se désolent, tous les jours on en parle. Revenons aux amis de SERALEP [NDLR: l'entreprise dont il est aujourd'hui Directeur, et qu'il essaie de redresser après que cette entreprise soit passée de groupes en groupes contrôlés par des fonds de pensions], les plus gros donateurs sont des commerces de Saint-Vallier, ils ont compris intelligemment et généreusement que c’était aussi l’intérêt de tout le monde que SERALEP vive. Donc un des plus gros donateurs, c’est l’Intermarché qui est à 100 mètres de chez nous ici dans le Nord de Saint-Vallier, un des plus gros donateurs c’est un garage Renault qui est à côté de chez nous, c’est pas neutre, c’est à la fois des gens généreux, c’est à la fois des gens qui intelligemment se sont dit que si on ferme là, eh ben de toute façon ils achèteront plus, ou ils achèteront deux fois moins. Ce qui est surprenant, c’est que le MEDEF fasse pas cette approche, le MEDEF devrait se dire : « Surtout ne licencions pas chez Y, parce que demain je vais licencier chez X » alors qu’aujourd’hui, on a l’impression que c’est « « Vas y Y, vas y ! Licencie, tu te porteras bien mieux et X suivra ton exemple ». Moi ça me désole…

FR : Vous dites qu’il doit y avoir des gens à qui ça sert qu’il y ait 10% de chômeurs depuis 20 ans, vous pensez que ça sert à qui ?

DA : Je pense que ça donne pour un certain nombre d’employeurs une possibilité de « jouer négativement » sur le marché de l’emploi… Quand je dis négativement, moi je vois, j’ai quatre filleuls, y’en a un qui est chômeur, (ils ont à peu près 25 ans), un qui a un stage, un qui a fait de l’intérim et un qui a un CDD. Aucun n’a un CDI, comme si le CDI avait disparu du marché du travail ! C’est des jeunes de 25 ans, on leur donne déjà une image bizarre de l’entreprise, et maintenant on s’est mis à jouer avec ce marché du travail ce qui est facile hein, y’a plein de monde qui est là, ils acceptent des postes qu’ils n’auraient certainement pas accepté à une époque, par rapport à leur formation, surtout qui acceptent des conditions de travail qui sont moyennes. Et comme vous pouvez le voir, les revendications sont quand même très minimes, je pense qu’on est devenus un peu peureux, et que ce marché du travail à 10 % (de chômeurs), je pense qu’il y a un certain nombre de patrons que ça arrange.

FR : Ca veut dire que finalement ces 10% de chômeurs, ils contribuent à imposer un silence au mouvement social ?

DA : Ces 10% de chômeurs, ils contribuent à imposer un marché du travail où il y a quelqu’un qui souffre, c’est celui qui cherche du travail, quelqu’un qui est parfaitement à l’aise pour proposer des salaires moins forts qu’avant ou pour freiner au maximum les revendications. C’est vrai, je pense qu’on ne propose presque que des CDD de nos jours...
Bon, eh bien que rajouter à ces explications d'un autre cadre qui arrive manifestement aux mêmes conclusions que moi? S'il pouvait connaître les dessous du NAIRU, la boucle serait bouclée... Mais alors, serait-il possible que bien d'autres personnes commencent à douter des beaux discours sur la bataille pour l'emploi et sur les "croisades" contre ce "Fléau" du chômage que l'on nous sert, et de tous bords politiques confondus, depuis 25 ans?
Et comme un hasard n'arrive jamais seul, voilà qu'hier Dimanche, lors du zapping sur Canal+, je vois passer un extrait d'un documentaire diffusé sur France 5 intitulé "Il était une fois le salariat" et dans lequel l'économiste (atypique!) Bernard Maris explique que, bien sûr, le chômage est aussi "structurel" (autre petit nom du "chômage d'équilibre", autrement dit du NAIRU) et que depuis 20 ans il a aussi bien servi à dociliser les ardeurs et les revendications des salariés!
Et comme les réalisateurs du Zapping sont de subtils monteurs de séquences, quelques séquences plus loin on apprend dans un extrait de JT que d'après un sondage récent (ah les sondages!):
près de 50% des français envisageraient (avec anxiété) comme possible le risque de devenir SDF au cours de leur vie, avec une proportion de 62% des 35-49 ans!!!!!
J'appelle cela la pédagogie de la Peur. Y'a pas à dire, le dressage a bien été fait depuis 20 ans, et les jeunes qui entrent aujourd'hui dans le "monde du travail "comme on l'appelle (ou du moins tentent d'y entrer...) apprennent vite que c'est loin d'être le meilleur des mondes! Et qu'à court terme, c'est le profil bas qui semble s'imposer...
Face à cela, comment continuer à accepter cette mascarade qui consiste pour la plupart des politiques, et comme le dit joliment le chanteur Yves JAMAIT dans un de ses textes, à planter des fleurs aux pieds des SDF!
TF1 et consorts passent beaucoup de temps à passer des reportages sur les nouveaux pauvres, sur la précarité, sur les difficultés à se loger, sur le surendettement, sur les SDF et bientôt viendra le "marronier" traditionnel (et donc déjà prêt) sur "la première victime du froid" qui sera bien sûr un SDF... J'avais déjà écrit un article l'année dernière sur ce sujet, le 25 Novembre 2005. Cette année la première victime du froid est encore en vie, elle a du retard... Est-ce parce que d'après l'INSEE, il y aurait moins de pauvres... ou bien plutôt à cause du réchauffement climatique?
Ne soyons pas dupes. Car comme je le disais il y a un an, ils montrent, mais que démontrent-ils? TF1 exprime t-elle là toute sa dimension sociale? Permettez moi de igoler... Non, ne faut-il pas plutôt voir dans ces gesticulations médiatiques désormais bien rôdées et prêtes à servir une véritable Pédagogie par la Peur?

Guillaume de Baskerville
Visitez aussi mes autres sites:
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Comments:
“près de 50% des français envisageraient (avec anxiété) comme possible le risque de devenir SDF au cours de leur vie, avec une proportion de 62% des 35-49 ans!!!!! “
Mais l'anxiété, passée un certain point, fait réfléchir, et les lois sur les retraites sont bien tombées d'ailleurs, car à mon avis les dirigeants ont fait une gaffe en faisant paniquer les gens, beaucoup de gens ne devaient pas être pressés de travailler, puisqu'ils savaient que de toute manière, ils n'auraient pas de bonnes retraites , et qu'ils donnaient l'argent – c'est à dire 80 % de leur salaire brut en comptant toutes les taxes retenues et impôts, c'est un calcul intéresant à faire - à d'autres personnes sur le territoire, sans garantie de retour pour eux
 
On a tendance pour des raisons idéologiques à confondre sciemment travail et emploi et cette confusion sert bien entendu le système. Tout le monde a du travail mais comme le dit bien Loïc Wacquant, nous avons un "blocage mental" qui nous empêche de concevoir le travail en dehors du salariat ou esclavage salarié pour reprendre la très juste expression de Chomsky.
Au sujet du chômage, l'économiste Friot propose également une alternative progressiste et dérangeante.
 
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