01 novembre 2005

NAIRU et Constitution française...

2005 restera sans doute l’année où les françaises et les français auront le plus entendu parler de « Constitution ». Ayant assisté à des débats passionnés et engagés pré et post référendaires sur le Traité Constitutionnel Européen (TCE), ils auront sans doute retenu de cette période que manifestement, une Constitution, c’est important. Essentiel même, bien que pas toujours très connu…

Pour tout dire, je dois avouer que cette période fut très instructive pour décrypter certains propos ou écrits, muni de la clé de compréhension du NAIRU.

Commençons ainsi par jeter un œil sur ce que dit notre Constitution française actuelle, qui date de 1958, et dont le préambule, rédigé en 1946, évoque l’emploi dans deux de ses articles au demeurant fort intéressants :

Article 5 du préambule de 1946 : Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.

Article 11 : […] Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence.

Je commencerai par le second article qui rappelle à ceux qui l’auraient peut-être oublié, où qui seraient des adeptes inconditionnels des JT de 20 heures et seraient ainsi bombardés de messages un peu parasités par rapport à ce principe, « qu’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence » en cas de difficultés personnelles ou économiques n’est pas de l’assistanat (au sens le plus péjoratif du terme) mais -encore- et avant tout un DROIT CONSTITUTIONNEL. Que le vocable « moyens convenables d’existence » soit sujet à interprétation ne change rien, je pense par ailleurs que bon nombre de situations actuelles ne seraient pas reconnues comme convenables par la majorité du peuple, si du moins on lui demandait son avis par sondage ou… référendum.

De même, est donc également inscrit dans le droit Constitutionnel le « devoir de travailler et celui d’obtenir un emploi ».
Car si certains (toujours les mêmes) semblent se souvenir du premier devoir, dont ils rappellent à l’envi le caractère éminemment moral, ils ont manifestement une petite faiblesse des neurones au moment de se remémorer le corollaire à ce devoir, à savoir le droit associé « d’obtenir un emploi » ! Difficile en effet d’imposer ce devoir sans respecter le droit en question… sauf à faire tourner le citoyen chômeur en bourrique, ce qui est précisément ce que bon nombre d’entre eux ressentent à juste titre aujourd’hui.

Bien sûr, le droit Constitutionnel est dans sa pratique un droit particulier, compliqué et peu accessible au citoyen qui par ailleurs ne peut seul s’y référer en déposant plainte à titre individuel. Par exemple, il faut au minimum que 60 députés déposent un recours pour que cette contestation soit recevable ! En outre l’interprétation du droit Constitutionnel est un art subtil exercé par de sages experts, ce qui est toujours un peu surprenant puisque que la Constitution française est tout de même un texte simple, court et compréhensible par tout un chacun (ce qui n’est pas tout à fait le cas du TCE rejeté par les français le 29 Mai !), et que le fondement d’une Constitution est de définir les règles d’un Etat qui protège les faibles contre l’arbitraire des puissants !

Si vous allez vous promener sur le site du Conseil Constitutionnel, vous y trouverez des exemples illustrant les arcanes de cette interprétation, dont un concerne précisément… ce fameux article 5, un peu embarrassant semble t-il :

«
Ainsi, en France, le Préambule de notre actuelle Constitution, qui renvoie au préambule de la Constitution de 1946, proclame le " droit de chacun à obtenir un emploi ".
S'agit-il d'un simple objectif ? D'une obligation de résultat ? Si le droit à l'emploi constitue une créance de l'individu sur la collectivité, quelle est la valeur de cette créance dans une situation économique donnée, par exemple dans une conjoncture déprimée ? Quelle est, en somme, la portée normative de ce droit ? »

On sent toute la « retenue » du législateur » (pour ne pas dire la gêne) dans cette formulation. L’argument avancé est intéressant et dit en gros : le droit à l’emploi peut-il est respecté de manière normative en cas de situation économique déprimée ? Voilà qui rejoint la vision déjà évoquée -et en fait classique- du chômage dans nos sociétés depuis trente ans : c’est un Fléau, un Cancer, contre lequel de vaillants chevaliers blancs mènent Croisade. Alors, comment dans ce cas imputer à l’Etat une quelconque responsabilité au regard de ce droit constitutionnel ?

Soit.
Mais que pourrait bien répondre le Conseil Constitutionnel face à l’argumentaire selon lequel, au travers de l’usage généralisé et patent du concept de NAIRU pour l’établissement des prévisions économiques et la conduite des politiques économiques au niveau national et européen, le chômage en question ne serait pas un Fléau… mais un Outil?

En clair, ce chômage là, « NAIRUesque », choisi, délibéré, instrumentalisé, serait-il constitutionnel ? Car qu’on le veuille ou non, le droit à l’emploi est dans la Constitution française, ce qui n’est pas le cas de la LUTTE CONTRE L’INFLATION !
L’inversion manifeste des priorités qui prévaut depuis les années quatre-vingt, révélée par l'usage du NAIRU, est-elle bien en conformité avec notre Loi des lois ? A moins d’être victime d’un trouble de perception de la réalité, il me semble que non…

Comments: Enregistrer un commentaire



<< Home

This page is powered by Blogger. Isn't yours?